Une alimentation locale et de qualité joue un rôle majeur dans la préservation de la santé, la protection de l’environnement et le renforcement du lien social. Elle est aussi le pivot de notre souveraineté alimentaire.
Le 1er janvier 2022, les collectivités territoriales devront avoir opéré la transformation des circuits d’approvisionnement. C’est pourquoi il y a urgence, pour la restauration collective, à « passer à l’échelle » et garantir l’accès à une alimentation saine et de qualité au plus grand nombre.
DÉVELOPPER ET DÉMOCRATISER LES CIRCUITS LOCAUX
Le développement et la démocratisation des circuits locaux sont devenus une exigence citoyenne forte
Si la «loi Agriculture et Alimentation», entrée en vigueur en février 2019, affichait l’ambition de rendre accessible au plus grand nombre des produits de qualité et rémunérant au juste prix les producteurs, le développement des circuits courts était déjà une tendance de fond depuis plusieurs années. Dans un sondage Harris Interactive pour l’Observatoire Cetelem réalisé en novembre 2019, 77 % des Français déclarent faire assez attention à se nourrir en étant attentif à l’impact des produits sur l’environnement et la société (consommer des produits locaux, favoriser les circuits courts, lutter contre le gaspillage, etc.)
Et selon un sondage Odoxa – Comfluence (2020), les Français privilégient majoritairement une agriculture fondée sur de petites exploitations privilégiant la qualité plutôt que sur des grandes exploitations (88% vs 11%). Ils souhaitent que l’autonomie agricole de la France soit privilégiée (93%). C’est ainsi que de nombreuses initiatives ou plateformes issues du monde agricole et de l’économie sociale et solidaire ont émergé, avec pour point commun de réduire très fortement le nombre d’intermédiaires entre le champ ou le pré et l’assiette.
La crise sanitaire actuelle renforce fortement cette tendance.
La crise liée à l’épidémie de Covid-19 met au grand jour le rôle d’une alimentation de qualité dans la prévention. Elle éclaire l’importance du lien social entre producteurs et consommateurs et, dans un contexte très anxiogène, rappelle l’importance stratégique d’une souveraineté alimentaire préservée.
Les citoyens tirés au sort pour participer à la Convention Citoyenne pour le Climat, et avant même que ne soient officiellement remises leurs conclusions, ont souhaité rappeler l’urgence de la situation dans ce domaine. Parmi les mesures proposées (révélées par le Monde le 11 avril 2020), figure un plan d’investissement pour l’agriculture. Il donne la priorité aux circuits courts, privilégiant la production locale, durable, à faible coût environnemental, et limitant le transport de produits alimentaires. Cette mesure s’appuierait sur le souhait de promouvoir la création de fermes municipales et de plateformes de regroupement des productions.
«Favoriser les circuits courts : cela existe déjà avec la Loi Egalim, mais on ne va pas encore assez loin.»
Extrait de contribution citoyenne dans le cadre de la Convention Citoyenne pour le Climat
PASSER À L’ÉCHELLE GRÂCE À LA RESTAURATION COLLECTIVE
Près de 7 millions de Français prennent chaque jour au moins un repas en restauration collective
73 000 structures de restauration collective, publiques ou privées, distribuent plus de 3,5 milliards de repas par an . On distingue quatre grandes catégories de restauration :
- Scolaire (crèche, maternelle, primaire, collège, lycée, université),
- Médico-sociale (hôpitaux, maisons de retraite),
- Restauration d’entreprise (restaurants administratifs et d’entreprise)
- Et les autres formes de restauration collective : en centres de vacances, sites militaires, prisons, etc.
Certaines régions ont d’ores et déjà décidé d’agir dans le secteur de la restauration scolaire pour accélérer l’introduction de produits issus des circuits de proximité dans les cantines des lycées en identifiant les leviers d’actions opérationnels et pragmatiques.
La restauration scolaire offre des leviers majeurs
La restauration scolaire représente à elle seule près de 35 % du volume de la restauration collective, soit environ 1,2 milliards de repas chaque année.
Ainsi, elle peut jouer un rôle éducatif et contribuer au développement, chez de nombreux enfants, adolescents et jeunes adultes, de nouvelles habitudes alimentaires et de nouveaux réflexes culinaires plus favorables à la santé et à l’environnement.
Elle permettrait également de mieux structurer et développer les filières agricoles responsables et locales qui réunissent les producteurs, transformateurs, prestataires de restauration. En effet, grâce à ses volumes d’achats et à sa capacité à proposer des engagements pérennes de consommation, elle peut apporter des gages de confiance aux agriculteurs qui se lancent dans de nouveaux types ou modes de production.
FEUILLE DE ROUTE POUR UNE TRANSITION ALIMENTAIRE
Dans le prolongement des Etats Généraux de l’Alimentation, la loi du 31 octobre 2018 pour « L’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous » prévoit de nombreuses dispositions. Les mesures relatives à la contribution de la restauration collective publique et privée, en particulier de la restauration scolaire y sont nombreuses. Ce faisant, le législateur traduit les enjeux de transition alimentaire de la restauration scolaire en une feuille de route concrète pour les années qui viennent.
Favoriser les modèles agricoles durables et favorables à la santé
Le premier objectif est d’encourager le développement de modèles agricoles plus favorables à la préservation du climat, de la biodiversité, de la qualité des sols. Ces modèles devront aussi garantir une moindre exposition des consommateurs à certaines substances nocives (pesticides, antibiotiques, divers perturbateurs endocriniens…). Il s’agit également de contribuer à la transition vers des régimes alimentaires plus favorables à la santé et à l’environnement, tout en instaurant de nouvelles conditions pour réduire le gaspillage alimentaire.
Renforcer les collaborations public – privé
Une collaboration entre toutes les parties prenantes privées et publiques est indispensable.
La mise en place de filières d’approvisionnement de circuits courts locaux mobilise plusieurs compétences au niveau des régions, des départements et des intercommunalités.
Cela implique, à l’échelle de la collectivité, une collaboration renforcée entre les directions en charge de l’agriculture, du développement économique, de l’environnement et des établissements scolaires.
Des synergies peuvent également être créées avec d’autres collectivités, confrontées aux mêmes obligations et avec lesquelles des mutualisations sont envisageables. De nombreux freins devront par ailleurs être levés, notamment en termes de coût des repas, d’habitudes alimentaires, de potentielle rareté de l’offre locale et, enfin, de risque juridique face au cadre contraint des marchés publics.
Les collectivités territoriales ont désormais des objectifs précis à atteindre
Au 1er janvier 2022, elles devront toutes permettre aux établissements de restauration collective de s’approvisionner à hauteur de 50% en produits de qualité et durables. Ceux-ci se retrouvent notamment à travers le label rouge, l’Appellation d’origine contrôlée et l’appellation d’origine protégée (AOC/AOP), l’Indication géographique protégée, la Haute Valeur Environnementale. Une proportion de 20% devra être accordée aux produits issus de l’agriculture biologique.
Le recours à une production et une distribution plus rapprochée des zones de consommation est ainsi une solution à moyen et long terme. Pour l’Etat, cela pourra passer par des incitations financières. Pour les donneurs d’ordres et les transporteurs, le défi sera d’évaluer les relocalisations possibles et de réorganiser les chaînes de transport.
Se faire accompagner
Structurer et développer des circuits locaux de manière massive suppose de bénéficier de l’accompagnement de structures engagées dans le développement durable des territoires.
Des établissements tels que l’Agence de l’environnement et de la maitrise de l’énergie (ADEME) ou la Banque des territoires doivent être mobilisés pour leur expertise. Elles permettront d’accélérer les transformations.
Mais le passage à l’échelle dans le développement de circuits courts et locaux doit d’abord devenir un véritable projet territorial associant les organismes agricoles, les pouvoirs publics et la communauté éducative. C’est la condition d’’émergence de nouveaux modèles agricoles qui seront à la fois créateurs d’emplois, capables de préserver la santé des citoyens, mais aussi la biodiversité et la qualité des sols et des eaux.
Louisette Allègre, Consultante Supervising senior
Frédéric Amouretti, Directeur
Anne Laure-Noat, Associée