La reprise économique met en lumière les tensions sur le recrutement et la fidélisation des employés. Dans le secteur de la santé, très mobilisé par la crise sanitaire et soumis à une pression croissante liée à l’augmentation des besoins de la population, les départs et les besoins de recrutement ont été d’autant plus exacerbés.
2 ans après les accords du Ségur de la santé, comment répondre concrètement à ces enjeux d’attractivité ? Découvrez les leviers essentiels pour construire et déployer une démarche stratégique de recrutement en santé.
LA CRISE SANITAIRE : CATALYSEUR DES DIFFICULTÉS STRUCTURELLES
Des difficultés structurelles aggravées par la crise sanitaire
En mars 2019, un mouvement de grève de professionnels paramédicaux, initialement contenu aux services d’urgence, s’est étendu aux services hospitaliers. Ce mouvement social a mis en lumière les problématiques importantes rencontrées par l’hôpital public, et notamment le manque de personnel. En 2020, près de 31% des établissements de santé indiquaient ainsi rencontrer de fortes difficultés à recruter des paramédicaux. Ils étaient jusqu’à 62% à en rencontrer pour les métiers en tension (Enquête FHF, Faire face à la seconde vague de Covid-19, novembre 2020). Ces difficultés de recrutement se renforcent aussi pour les professions médicales. 32% des postes de médecins étaient en effet vacants à l’hôpital public au 1er janvier 2021 (Enquête FHF).
La crise sanitaire a amplifié les problèmes rencontrés par le secteur de la santé en entrainant une sur-mobilisation des soignants. Après la première vague, les départs de professionnels paramédicaux ont augmenté. Une enquête de la Direction générale de l’offre de soins, publiée en décembre 2021, chiffrait ainsi les départs à 1 245 infirmiers sur un an. Soit environ deux démissions par établissements en un an. 54% à la suite d’une démission et 38% pour une mise en disponibilité ou un congé longue durée. Des mesures ont été prises pendant la crise pour limiter ce désengagement et le freiner en amont. Notamment en limitant le placement d’élèves infirmiers ou internes en médecine dans des services sous forte tension. Pour autant, les conséquences de ce manque de ressources sont de plus en plus complexes à gérer. Elles entrainent de plus en plus souvent la fermeture de lits et de places.
Une pénurie de professionnels, des conditions de travail dégradées…
- Le nombre de places en formation est restreint. La fin du numerus clausus ne produira ses effets sur les effectifs médicaux que dans une dizaine d’années. L’augmentation des places en formations paramédicales ne portera ses fruits que dans 3 à 5 ans. Les places limitées se combinent à une hausse des abandons en cours de formation. Deux mois après la rentrée 2021, 13% des étudiants en soins infirmiers, avaient ainsi abandonné leurs études selon l’Etude 2021 du Comité des instituts de formation du paramédical. Ces abandons s’expliquent par un décalage important entre les attentes des étudiants, la formation dispensée et la réalité du terrain.
- La politique d’amélioration de la performance dans les établissements de santé a dégradé les relations et les conditions de travail. La difficulté à faire face à ce changement s’est ajoutée aux contraintes déjà fortes de certains métiers… ce qui a d’autant plus diminué leur attractivité.
- Enfin, si la rémunération est en hausse depuis les mesures du Ségur, elle ne semble toujours pas suffisante. Surtout pour compenser la pénibilité des métiers, que ce soit dans le public, comme dans le privé.
… et la désaffection générale pour les métiers de la santé
- Les problématiques de recrutement et de fidélisation sont aussi le résultat du manque d’anticipation des évolutions culturelles de la société. Du côté des patients, le recours croissant aux soins médicaux et l’exigence d’une réponse immédiate à leurs besoins s’accentuent et tendent les relations avec les soignants.
- Du côté des soignants, cette tendance au consumérisme médical se traduit par une augmentation de 54% des passages aux urgences entre 2002 et 2019 (Données DREES). Ceci dégrade les conditions de soins… Et constitue une contrainte qui s’ajoute à celles déjà nombreuses de leurs métiers : horaires décalés, pression importante… Dans le même temps, la recherche d’un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie privée constitue un frein supplémentaire à l’attractivité.
- Ces contraintes étaient auparavant mieux acceptées car les métiers du soin étaient associés à un engagement au service de la collectivité et perçus positivement tant par les soignants que par la société. La perte d’engagement collectif et parfois d’un sentiment d’utilité est aujourd’hui une problématique majeure. Elle est ressentie dès la phase de formation : les abandons en cours d’études sont fréquents. Et en cours de carrière, les passages à temps partiel/ les démissions contribuent aussi à une diminution des ressources.
LES LEVIERS À ACTIONNER POUR RÉPONDRE À LA CRISE DES RESSOURCES
Les réponses du Ségur de la Santé : une bonne avancée à poursuivre
Le Ségur de la santé a mobilisé des acteurs du système de soin du 25 mai au 10 juillet 2020. Cette consultation a permis d’identifier quatre piliers pour moderniser le système de santé.
Le premier de ces piliers vise à « transformer les métiers et revaloriser ceux qui soignent ». Il a abouti à des revalorisations salariales des métiers soignants et des praticiens hospitaliers. Un budget d’environ 10 milliards d’euros par an y a été consacré, ainsi qu’à une augmentation des effectifs en formation paramédicale. Saluées par les professionnels de santé, ces mesures sont néanmoins insuffisantes pour répondre aux difficultés profondes du secteur.
- La seule amélioration après le Ségur, c’est le salaire, mais il faut vraiment attaquer le chantier de la refonte du système de santé
Le Président de la Fédération Nationale des Associations d’Aides-Soignants (FNAAS)
- Sur les quatre chantiers ouverts, il reste à aborder celui du financement du système, de la simplification et de l’approche territoriale
Le Président de la Fédération Hospitalière de France (FHF)
A court et moyen-termes : améliorer les conditions de travail
Les mesures visant à augmenter les ressources médicales et paramédicales ne verront leurs effets que dans plusieurs années. A court et moyen termes, les solutions doivent donc permettre de conserver les ressources actuelles… Tout en visant des améliorations à la fois qualitatives plus que quantitatives.
Revaloriser davantage les rémunérations
Les mesures du Ségur ont permis de rattraper les salaires européens moyens. Elles restent à compléter pour répondre à la crise d’engagement et aux contraintes des métiers de la santé. En effet, si la prime Ségur s’élargit à de nouveaux bénéficiaires, certains métiers, essentiels au fonctionnement des structures en restent écartés. C’est notamment le cas de métiers administratifs, techniques et logistiques, pourtant également touchés par une crise d’attractivité.
Créer les professions intermédiaires
Le développement des professions intermédiaires au sein des établissements de santé est essentiel. Le principe de ces nouveaux métiers repose sur une délégation de certains actes médicaux à des paramédicaux formés en ce sens. Cette délégation permettrait un rééquilibrage nécessaire de la charge de travail dans l’attente des effets de la fin du numerus clausus.
Faire évoluer les pratiques managériales
L’évolution des pratiques et du management doit également faire l’objet d’une attention particulière. Un travail sur le leadership et le management des équipes permettrait d’améliorer la qualité de vie au travail. Pour améliorer la répartition des tâches en responsabilisant différemment certains métiers soignants.
Améliorer l’organisation territoriale de l’offre
L’effort autour de l’organisation territoriale de l’offre doit se poursuivre. La mise en place de dispositifs de coordination (service d’accès au soin, dispositif d’appui à la coordination, etc.) et le développement d’initiatives permettant d’exercer sur plusieurs structures et/ou selon plusieurs modes d’exercice sont autant de facteurs qui peuvent renforcer l’attractivité des métiers en offrant un cadre de travail plus souple sur un même territoire.
Redonner du sens et de la notoriété
Le cadre de valeur et le sens de l’action soignante dans la société doivent être réaffirmés. La communication autour des métiers doit se renforcer pour redonner leurs lettres de noblesse aux métiers du soin.
Renforcer l’accès à la formation et favoriser le suivi des carrières
Renforcer l’accès à la formation et piloter les carrières des personnels de santé sont essentiels pour offrir des perspectives d’évolution plus claires et plus attractives.
Sur le long-terme : faire évoluer le système de santé
L’augmentation du nombre de ressources médicales et soignantes combinée aux solutions présentées ci-dessus devraient permettre de répondre partiellement aux problématiques du manque d’effectifs, à périmètre de consommation de soins constant. Toutefois, elles risquent de ne pas être suffisantes pour répondre à la hausse structurelle des besoins en santé de la population.
- Ainsi, en complément de ces actions d’ordre RH, des mesures plus systémiques visant à transformer les usages et limiter le recours au système de santé devront nécessairement être mises en œuvre pour garantir sa soutenabilité et son attractivité dans le temps. Des travaux doivent être poursuivis sur la prévention, la régulation du recours au soin et l’organisation territoriale afin de développer l’exercice coordonné et renforcer les liens et l’équilibre des prises en charge entre ville et hôpital.
- L’Assurance Maladie, elle-même touchée par les problématiques d’attractivité, devra contribuer à ces réformes structurelles en mettant en place le cadre de financement nécessaire à ces transformations et en renforçant notamment ses propres actions en matière de prévention et de gestion du risque médical. En particulier, les dispositifs d’ « aller-vers » pourraient être développés à plus large échelle afin d’aller au-devant des besoins des assurés dans une logique de prévention et d’orientation dans le système.
- Ces changements impliqueront d’importantes transformations métiers qui devront être co-construites avec les équipes pour faciliter l’acceptation de ce changement et garantir le maintien des ressources.
DÉCOUVREZ LE REPLAY DU WEBINAR DÉDIÉ
Le webinar d’Eurogroup Consulting animé par Nathalie Rolland – Directrice Associée – Eurogroup Consulting, le 31 mars 2022 dans le cadre du cycle Les Ateliers de la Transformation Publique donne la parole à :
- Marie-Gabrielle Dubreuil – Directrice des Ressources Humaines des Réseaux – Caisse Nationale de l’Assurance Maladie
- Pascal Durand – Directeur du premier recours – ARS Occitanie
- Jérôme Goeminne – Directeur Général – Centre hospitalier de Verdun Saint-Mihier, établissement support du Cœur Grand-Est
EN SAVOIR PLUS
Notre filière santé
Matthieu Sainton
Associé, Eurogroup Consulting
Eurogroup Consulting accompagne l’ensemble des acteurs de la santé, qu’ils soient publics ou privés, en central ou sur les territoires, dans la définition et la mise en œuvre des changements nécessaires pour faire face aux mutations de leur écosystème.