Une tribune de Gilles Bonnenfant, Président de Eurogroup Consulting, publiée le 28 juin 2022
L’histoire est bien connue. Un vieux pays qui se mit à croire que l’industrie n’avait plus sa place dans une économie de service. Conviction théorique d’une élite et imaginaire partagé d’une époque : l’industrie, « c’est dépassé et c’est sale » , laissons-la à d’autres. En quelques décennies, la France a ainsi observé la destruction d’une partie de son industrie, avec son lot de drames de fermetures d’usine, de territoires meurtris et de la douloureuse réalité humaine des licenciements.
Bien sûr, un sursaut industriel est advenu depuis. La crise sanitaire, en révélant crûment nos vulnérabilités et nos dépendances, y aura assurément contribué. Les entreprises, les acteurs locaux et le débat public s’en sont emparés. L ’exécutif s’en saisit résolument : reconnaissons qu’il ne manque pas d’ambition, mais posons la question : a-t-il trouvé la bonne direction ?
Soyons lucides : nous ne ferons pas revenir toutes les usines d’aujourd’hui ! Quand nous n’avons pas accumulé un retard irrattrapable, c’est notre compétitivité qui reste à la traine. C’est pourquoi la France doit construire dès maintenant les usines de demain.
Notre pays peut devenir, avec ses partenaires européens, champion des industries d’avenir.
Ce doit être l’objectif de nos politiques publiques et de l’engagement de nos entreprises. Vouloir rapatrier massivement des technologies existantes ne peut être notre unique priorité, même de court terme. Il nous faut tout de suite viser les nouvelles industries pour se préserver de futures vulnérabilités et contribuer à la décarbonation de notre pays.
Pour cela, nous devons d’abord, comme souvent, nous concentrer sur la formation et notamment accélérer la montée en puissance de l’apprentissage. Nous avons besoin de chercheurs, d’ingénieurs et de ces métiers techniques si spécifiques à la nouvelle industrie. Cela suppose également de nous rendre attractifs pour les talents du monde entier, notamment par de nouvelles formes de travail.
Toutes les batailles ne peuvent être gagnées : ciblons les technologies d’avenir dans lesquelles la France a des atouts à faire valoir.
Des investissements massifs sont ensuite nécessaires pour stimuler notre recherche fondamentale et nourrir notre recherche appliquée. L’Etat prend sa part dans cette ambition mais doit accélérer. Le plan de Relance, le travail du Secrétariat général pour l’investissement, France 2030 et l’imminente planification écologique vont dans la bonne direction, montons en puissance avec nos partenaires européens !
Face à l’ampleur du défi et des financements nécessaires, la nouvelle industrialisation appelle en effet une ambition européenne. Aucune industrialisation n’est possible sans cette force de frappe financière, sans la taille de notre marché commun, sans une politique de taxation du carbone aux frontières et sans l’émergence de champions européens, créateurs de synergies.
Ciblons les technologies d’avenir dans lesquelles la France a des atouts à faire valoir.
Enfin, toutes les batailles ne peuvent être gagnées, ciblons donc les technologies d’avenir dans lesquelles la France a des atouts à faire valoir. Les secteurs aéronautique, énergétique, électronique, agroalimentaire ou encore le recyclage doivent être nos priorités, chacun méritant une approche différenciée. Ces spécialisations assurent emploi et développement local de nos territoires. Ce sont ces PME et ces ETI qui portent notre industrie !
C’est ainsi que nous constituerons un tissu industriel français pour notre souveraineté, pour l’emploi, pour notre transition écologique, pour notre maîtrise des technologies de demain et pour le développement de nos territoires. Nous mettrons fin au non-sens écologique des importations de productions étrangères à forte teneur carbonée. Nous contribuerons à doter l’Europe d’un appareil industriel capable d’assurer l’autonomie stratégique du continent face aux tensions géopolitiques qui sont en train de reconfigurer profondément l’économie mondiale. Localiser nos productions, avec une industrialisation technologique et décarbonée, c’est projeter la France vers son avenir !