Si l’importance de la gestion des parcours professionnels des agents de la fonction publique n’est pas nouvelle, elle revêt une dimension particulièrement stratégique et urgente, dans un contexte où l’accompagnement des carrières des agents constitue l’un des leviers forts d’une attractivité jugée critique de la fonction publique. La convergence de nombre d’initiatives politiques – et leur profusion – révèle une volonté forte du gouvernement de se saisir du sujet à travers plusieurs prismes. En témoigne les travaux initiés dans le cadre du chantier « carrière et rémunération » au début du dernier trimestre 2022, qui doivent permettre un travail exploratoire pour établir des propositions concrètes en termes d’accompagnement et de structuration des carrières des agents publics, et de valorisation de ces carrières. Quels leviers existent pour adresser cet enjeu stratégique majeur pour la fonction publique ? Comment la fonction RH peut-elle se saisir de ce sujet ?
PILOTER ET ACCOMPAGNER LE PARCOURS DES AGENTS
5,7 millions. C’est le nombre d’agent employé au sein de la fonction publique au 31 décembre 2020. Cela représente plus de 25% des emplois en France, avec une part croissante de contractuels (près de 20% au 31/12/2020).
43 ans. C’est le nombre d’années que devront travailler les fonctionnaires ayant débuté leur carrière dans les années 70’s, avec une augmentation progressive de l’âge moyen de départ à la retraite.
Plus de 700 métiers, qui traduisent la diversité des services et activités réalisées au sein des trois versants de la fonction publique dans des domaines variés (sécurité, santé éducation, transport, écologie, finances, culture, …).
Ces quelques chiffrent illustrent l’importance pour la fonction publique de piloter et accompagner les parcours professionnels de ses agents, d’autant plus dans un contexte où cette gestion des carrières constitue un élément de réponse fort face à différents défis :
- Une attractivité qui doit se renforcer pour répondre aux enjeux de continuité et de performance publique
- Des compétences et des métiers qui évoluent en lien avec l’évolution des attentes des usagers et des pouvoirs publics, des services qui sont délivrés, des technologies mobilisées, etc. Ce défi est particulièrement prégnant à l’aune des grandes transitions – et notamment écologiques – qui impactent de plus en plus fortement la nature et le contenu des métiers
- Des profils et des attentes des agents publics qui se transforment avec le recours croissant à la contractualisation et l’attention portée aux conditions de travail et de carrière (reconnaissance, individualisation de l’offre de service, articulation vie professionnelle / personnelle, etc.)
Au regard des volumes d’agents gérés dans la fonction publique, et des évolutions à la fois endogènes et exogènes auxquelles elle est confrontée, la gestion des parcours professionnels des agents emporte plusieurs enjeux.
Optimiser l’emploi et l’adaptabilité des effectifs
Capitaliser sur les compétences disponibles et en accompagner leurs évolutions. La (longue) durée de carrière des agents doit ainsi être considérée comme une opportunité plutôt qu’une contrainte à travers l’organisation favorable des conditions de mobilité.
Renforcer l’attractivité des métiers et la fidélisation des agents
Proposer des dispositifs favorables à l’amélioration de l’expérience agent en matière d’accompagnement de carrière, et cohérents avec les politiques RH.
Améliorer l’adéquation besoins / ressources / priorités
Faciliter l’identification des besoins actuels et projetés des administrations au regard de leurs spécificités, missions et implantations. Il s’agit plus précisément de travailler à la convergence entre les besoins / appétences exprimés par les agents avec ceux de leurs employeurs publics.
Accompagner les projets de modernisation des administrations
Faciliter les transitions professionnelles dans le cadre des transformations organisationnelles susceptibles d’affecter les administrations (réorganisations, restructuration, déconcentration d’activités, etc.). L’enjeu est ainsi de maintenir « l’employabilité » des agents.
La gestion des parcours professionnels constitue ainsi un enjeu stratégique et RH fort. Elle se heurte néanmoins à de nombreux obstacles qui limitent les capacités d’accompagnement et de concrétisation des projets des agents. Il apparait nécessaire de développer une véritable offre de service à destination des agents publics. Pour ce faire, nos accompagnements et notre expérience nous ont permis d’identifier un certain nombre de prérequis qui doivent être pris en compte.
LA GESTION DES PARCOURS PROFESSIONNELS : UN ENJEU STRUCTUREL ET STRATÉGIQUE POUR LA FONCTION PUBLIQUE…
La question de la gestion des parcours professionnels occupe une place importante depuis plus de 15 ans. De nombreuses évolutions réglementaires ont en effet été entreprises par la délégation interministérielle à l’encadrement supérieur de l’État (DIESE) au service de :
- la formation
- la diversification des carrières
- l’accompagnement des agents ou encore de l’élaboration d’une offre de service personnalisée à destination des agents de l’encadrement supérieur.
La loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique comporte ainsi un volet important sur la mobilité et l’accompagnement des transitions professionnelles. Il vise à faciliter la mobilité entre les 3 versants de la fonction publique et à mieux accompagner les agents dans le cadre des transformations publiques.
L’ensemble de ces évolutions a été soutenu par des ambitions de meilleure gestion (développement d’une vision prospective des métiers et effectifs, articulation des politiques RH, renforcement de l’adéquation profils-parcours agents et besoins des administrations, etc.) et de plus grande performance de l’action publique (adaptabilité, souplesse, performance RH, etc.).
Avec la situation « post crise », l’acuité du sujet s’est renforcée. En témoigne la stratégie interministérielle pour l’accompagnement de la mobilité et de l’évolution professionnelle 2022-2024 qui a été dévoilée par la DGAFP. Son articulation étroite avec l’enjeu d’attractivité a également contribué à en élargir le périmètre pour intégrer désormais la dimension de l’expérience agent. Cet élargissement apparaît d’autant plus légitime et nécessaire que les profils d’agents publics évoluent en faveur d’une part croissante de contractuels, et que « l’emploi à vie » ne constitue plus un levier unique et puissant d’attractivité et de fidélisation.
La gestion des parcours professionnels devient alors plus complète mais aussi plus complexe à appréhender, alors même qu’elle se heurte à des obstacles structurels liés aux modes de fonctionnement et d’organisation des administrations.
… QUI SE HEURTE À DES OBSTACLES TECHNIQUES, RÉGLEMENTAIRES ET RH
La loi sur la mobilité des fonctionnaires de 2009 visait à développer la diversification des carrières en renforçant le droit à la mobilité. Pour cela, elle supprimait notamment les obstacles statutaires et indemnitaires. Pourtant, force est de constater plus de 10 ans après, que les freins de cette nature lui subsistent.
Une gestion statutaire qui limite les possibilités de mettre en place une véritable gestion par les compétences
Malgré de nombreux travaux engagés pour formaliser des référentiels métiers et compétences, les principes de gestion RH et sociale reposent principalement sur les dimensions de corps-grade-échelon, visant à garantir l’équité de traitement des agents publics. La capacité des acteurs RH et des managers à raisonner en termes d’expériences / compétences est obérée au profit d’une gestion de masse. Malgré l’existence de publication de postes profilés, les grandes campagnes de mobilité laissent par exemple peu de place à l’appréciation des spécificités d’un profil, au profit de l’application de règles de gestion standardisées, fondées sur le statut, l’ancienneté dans le corps-grade, les caractéristiques familiales, etc.
Un manque d’articulation des politiques RH et de (outils de) valorisation des informations
Accompagner l’évolution d’un parcours professionnel suppose d’aller au-delà de la description les différents métiers existants et des compétences requises. Il s’agit de disposer d’une vue fiable et actuelle des profils, compétences, appétences, etc. existants pour placer les bonnes personnes aux bons endroits et au bon moment. L’ensemble des dispositifs RH prévus (entretien annuel, entretien de carrière, évaluation, suivi de formation, etc.) pour collecter et actualiser ces informations apparaissent comme insuffisamment chaînés entre eux, que ce soit en termes de processus ou d’outillage dans une perspective de gestion dynamique des carrières.
Des métiers et des besoins insuffisamment connus
Par manque d’outils ou de dispositifs d’information adaptés, les agents n’ont pas toujours facilement accès aux besoins exprimés par les autres administrations territoriales / ministérielles au sein de leur bassin de vie, ni aux métiers qu’elles proposent. Ce défaut d’information peut constituer un obstacle à la rencontre entre une appétence individuelle et un besoin de recrutement. Si des initiatives sont entreprises, comme par exemple la mise en place du site « ODAIM » visant à faciliter l’identification des postes ouvert à mobilité sur la PEP, il y a un véritable enjeu à davantage les rationaliser et mieux informer les agents sur les espaces de prises de connaissance de ces opportunités.
Des freins managériaux et des différences de traitement désincitatifs à la mobilité
Dans un contexte de tension sur les ressources, il peut exister de fortes résistances hiérarchiques à favoriser la mobilité de leurs agents, dans un contexte de tension sur les ressources et de difficulté à compenser le départ de leurs agents avec de nouvelles arrivées. Par ailleurs, il subsiste entre administrations une différenciation des régimes indemnitaires qui composent une part non négligeable du salaire des fonctionnaires pouvant décourager un souhait de mobilité. C’est également un sujet de fidélisation des agents qu’adresse cette différenciation des régimes indemnitaires, notamment au regard de la part croissante de contractuels au sein de la fonction publique.
Une mobilité insuffisamment accompagnée et soutenue
Entrer en mobilité fonctionnelle et/ou géographique expose très souvent l’agent et sa famille à un changement d’environnement. Au-delà des complications sociales et familiales, ce changement d’environnement peut aussi induire des complexités financières et matérielles liées au coût de la vie, à l’accessibilité de l’offre de logement, etc. Si des dispositifs et des outils d’aide existent, ils ne sont pas toujours bien connus et maîtrisés par les agents qui attendent davantage d’accompagnement de la part de leur service RH.
UNE OFFRE DE SERVICE À ÉLABORER POUR AMÉLIORER LA GESTION DES PARCOURS PROFESSIONNELS
Afin de répondre aux attentes des agents et des administrations, l’un des leviers notamment porté par le Décret du 22 juillet 2022 consiste à élaborer une offre de service cohérente, articulant et rationalisant les outils et dispositifs existants. Son objectif est de permettre aux agents de concevoir, préparer et mettre en œuvre l’évolution de leur parcours de carrière à travers 1) un accompagnement à la projection de leur développement de carrière, au regard de leur profil ; 2) l’identification des moyens de concrétisation de leur projet (information sur les prérequis et les opportunités existantes) ; 3) l’aiguillage vers les dispositifs et services d’aide adaptés à leur projet.
4 principes apparaissent structurants dans la conception d’une telle offre.
Une offre de service pour améliorer la lisibilité des parcours professionnels
Les dispositifs de Gestion des emplois et des parcours professionnels (GEPP) sont des instruments intéressants à mobiliser pour faciliter, au sein d’une même organisation publique (voir à sa marge), les passerelles envisageables entre métiers. Il s’agit d’un outil permettant d’identifier les trajectoires entre métiers et les prérequis pour les déployer en termes de développement / formation. La GEPP suppose néanmoins que les référentiels mobilisés soient à jours et que les RH disposent de suffisamment d’éléments de connaissance sur l’existant pour compléter et enrichir le plan de mise en œuvre au regard des caractéristiques d’un agent.
Et qui facilite l’interconnaissance des métiers afin de susciter des intérêts
Faciliter l’identification des besoins actuels et projetés des administrations au regard de leurs spécificités, missions et implantations. Il s’agit plus précisément de travailler à la convergence entre les besoins / appétences exprimés par les agents avec ceux de leurs employeurs publics.
L’un des enjeux sous-jacents de ces deux premiers points est aussi celui du renforcement de l’attractivité interne et externe de la fonction publique par la promotion et la valorisation de ses ressources et potentiels.
Tout en intégrant un volet d’opérationnalisation du projet
L’offre de service devrait également intégrer l’ensemble des prestations (sociales et immobilières) existantes pour accompagner les transitions professionnelles. Ainsi, une réflexion sur la mise à disposition d’une offre d’accompagnement du conjoint dans ses recherches d’emploi, d’accompagnement au logement ou encore de l’accès aux services de puériculture, de scolarité, etc. serait particulièrement pertinente pour faciliter et accompagner les évolutions de carrière.
Et qui recouvre les dimensions de l’expérience agent
Les travaux conduits actuellement par le gouvernement ne cessent de le souligner : la gestion des parcours professionnels ne peut être détachée des dispositifs mis en œuvre pour fidéliser les agents et construire une expérience positive de leur métier. Plusieurs leviers sont ainsi considérés en termes de :
- QVT et conditions de travail : prévention / santé – sécurité au travail, usure et pénibilité, télétravail, environnements de travail
- Reconnaissance : managériale, des compétences, des initiatives
- Collectif de travail : culture managériale, organisation de l’équipe, modes de travail, transparence
Grâce à nos expériences de ce type de projet, nous identifions 3 prérequis à la mise en œuvre d’une telle offre de service.
Une meilleure articulation des politiques RH en faveur de l’accompagnement des parcours professionnels
Afin d’entrer dans une logique de gestion dynamique des parcours et des compétences nourrie et alimentée par les différents processus RH. Il apparaît ainsi structurant que les produits de sortie des processus de recrutement, formation, évaluation, entretien de carrière convergent notamment autour d’une brique compétences (dont les usages pourront largement s’extraire de la seule dimension d’accompagnement des parcours professionnels pour adresser également les enjeux stratégiques et prospectifs en termes de métiers et de politiques RH).
Un effort d’animation de cette offre de service et de son réseau
Il doit alors accompagner sa conception pour qu’elle puisse atteindre ses objectifs et ses cibles. Il s’agit de poursuivre la structuration du réseau d’accompagnement des agents, notamment porté au sein des PFRH, pour l’optimiser et améliorer son impact.
Une forte lisibilité et accessibilité de l’offre de service
Alors même que de nombreux acteurs interviennent dans l’accompagnement des carrières : les PFRH, les RH de proximité, les représentants du personnel, les services d’action sociale, etc. de façon plus ou moins coordonnée. Il s’agit donc d’articuler et coordonner les différents porteurs de dispositifs en clarifiant leurs rôles et responsabilité et de promouvoir l’offre afin de permettre aux agents de s’en saisir. Nombre de dispositifs de soutien, d’orientation et d’accompagnement ne sont pas mobilisés faute de connaissance sur leur existence.
Le sujet de la gestion des parcours professionnels a fait l’objet de nombreuses réflexions et de nombreux travaux depuis plusieurs années, orientés autour de plusieurs finalités telles que la performance de l’action publique ; l’optimisation de la gestion des RH ; le renforcement de l’attractivité de la fonction publique, etc. Dans le contexte actuel, le sujet semble encore plus prégnant.
Si de nombreuses initiatives ont visé à mieux outiller les agents pour construire leurs parcours professionnels, il reste encore une multitude de freins (organisationnels, réglementaires, RH) à la mise en œuvre d’une gestion souple et adaptée des trajectoires de carrière. Pour autant, des leviers existent, mais ils doivent faire l’objet d’une appréhension globale pour éviter que cette émulation et ce foisonnement autour de l’accompagnement des parcours professionnels ne se traduisent par un mille-feuille de dispositifs finalement peu lisibles, articulés et accessibles aux agents.
Nos expériences de ce type de projet nous ont permis de développer une approche et une méthodologie fine pour les accompagner. Les premiers chantiers à conduire consistent finalement à mener une réflexion autour de l’articulation des politiques RH adhérentes à la construction des parcours de carrière, puis à la conception d’une offre de service permettant aux agents d’être :
- Informés sur les possibilités d’accompagnement
- Accompagnés dans la construction de leur projet
- Soutenus dans leur mise en œuvre
Enfin, l’offre d’accompagnement ne pourra s’établir sans outils adaptés au projet, permettant une orientation pertinente des agents en tenant compte de leurs spécificités.
La mise en place d’une offre de service cohérente est ainsi une réponse aux attentes des agents comme aux exigences réglementaires portées par le Décret du 22 juillet 2022 qui prévoit la mise en place d’un accompagnement personnalisé à travers une offre de service formalisée. Elle est l’un des leviers de réponse tant pour améliorer les capacités de gestion et d’emploi des effectifs de la fonction publique, que pour renforcer son attractivité, ou encore faciliter l’adaptabilité des administrations aux enjeux sociétaux d’aujourd’hui et demain.
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Notre offre d'accompagnement
Nous pouvons adresser ce besoin via le marché Conseil en organisation et en ressources humaines de l’UGAP.
Bénédicte Féry
Manager - Experte RH