A l’heure où la France présente une Loi de Programmation Militaire sans équivalent avec les années passées et dans un contexte où le risque de guerre de haute intensité est très élevé, la France doit adopter une politique d’innovation plus volontariste et décomplexée.
Cette tribune a été publiée dans les Echos le 13 juillet 2023, à la suite de la parution du Rapport de l’Institut Montaigne Innovation de Défense, des instruments à renforcer.
ASSURER UNE COMPLEMENTARITE VITALE ENTRE LES MODALITES D’INNOVATIONS
Dans un contexte où le risque de guerre de haute intensité réapparaît, les dépenses militaires mondiales sont en constante augmentation et ont dépassé les 2 000 milliards de dollars en 2022. Pour que la France reste en lice dans la course technologique à laquelle se livrent les grandes puissances, une politique publique plus volontariste en matière d’innovation est nécessaire. De premières avancées ont été réalisées, avec la création de l’Agence de l’innovation de défense en 2018 et des différents mécanismes de soutien qui en dépendent, mais un cap doit être gravi en faveur d’une meilleure efficience des mécanismes en place, notamment dans la capacité à faire dialoguer toutes les parties prenantes d’un écosystème complexe : Armées, DGA, startups, PME/ETI, grands industriels, fonds d’investissement, acteurs de la recherche….
Si le modèle français d’innovation de défense est, en effet, historiquement fondé sur la planification publique, l’innovation issue de la sphère privée tend désormais à prendre le dessus. Au-delà de la captation de cette innovation privée – issue ou non de la BITD –, l’enjeu critique pour l’État est également de réussir son intégration dans les cas d’usage militaires et notamment les grands programmes d’armement. Cela suppose de prendre en compte le besoin de pérennisation des modèles économiques et d’accès à la commande publique des plus petites structures, sans les opposer aux grands groupes qui disposent de l’assise suffisante pour développer les programmes à long terme.
Les instruments administratifs existants au service du soutien et du développement des technologies innovantes de défense doivent impérativement être renforcés, les bénéficiaires finaux rapprochés de ceux qui innovent, et les capacités de tests et d’apprentissage itératifs développés dans une logique de prise de risque maîtrisée, pour assurer une complémentarité vitale entre innovation planifiée et innovation ouverte.
ACCELERER NOTRE AUTONOMIE
Le nouveau paradigme de l’innovation, tiré par le monde civil, ne permet toutefois pas de faire l’économie d’un large exercice prospectif à long terme, censé établir une feuille de route des champs prioritaires d’action ou de recherche, donner de la visibilité à l’ensemble des acteurs sur les thématiques prioritaires à instruire et se doter d’une politique RH ambitieuse anticipant les besoins de compétences à moyen / long termes dans un contexte de tension importante sur le marché du travail. A ce titre, des leviers opérationnels immédiats peuvent d’ores et déjà être activés, tels que la création d’une Réserve innovation, ou l’engagement d’une réflexion poussée sur les parcours croisés permettant les allers-retours entre monde civil et secteur public.
Cet exercice prospectif doit en outre s’accompagner de mécanismes d’évaluation itératifs permettant de tirer les bons enseignements et de réajuster au besoin l’allocation des moyens.
C’est en établissant des grandes priorités de long terme, déclinées par la suite en orientations et plans d’actions précis, tout en conservant des marges de manœuvres d’adaptation, que nous pourrons maîtriser, de manière souveraine, la diffusion de l’innovation au sein de nos armées. Cela implique au préalable une plus grande lisibilité des outils de soutien de l’innovation de défense, qui sont tenus d’agir non pas comme des freins, mais comme des accélérateurs de notre autonomie.
Tribune publiée dans Les Echos le 13 juillet 2023,
Signataires :
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- Marwan Lahoud, Directeur général délégué de Tikehau Capital et président du Private Equity
- Julie Burguburu, Secrétaire générale du groupe TF1, membre ADER et Cercle Fontenoy
- Emiland d’Alincourt, Associé, responsable de la filière aérospatiale défense d’Eurogroup Consulting
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Notre accompagnement
Avec plus de 20 ans d’expérience au sein du ministère des Armées et auprès des acteurs des secteurs aéronautique, spatial et défense, nous avons développé un savoir-faire et une expertise méthodologique qui nous permettent d’intervenir sur l’ensemble de la chaîne de valeur, depuis la définition de projets stratégiques et de transformation numérique jusqu’aux opérations (MCO, lean manufacturing), en passant par les enjeux RH, managériaux et organisationnels. Notre connaissance de tous les milieux et notre expertise pointue sur les enjeux OPS aérospatial-défense nous permettent d’apporter un conseil différentiant avec une vision systémique tout en sécurisant les projets.
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