Puissant levier de croissance, l’intelligence artificielle nécessite une transformation profonde des organisations, expliquent Solène Julier et Felix Humbaire, associés chez Eurogroup Consulting.
Comment évolue l’approche de l’IA des entreprises ?
Felix Humbaire : Il y a quelques années, les entreprises se demandaient comment l’IA pourrait les aider à prédire leurs stocks, embaucher le bon nombre d’intérimaires ou automatiser la réponse à leurs e-mails. Depuis 2022 et le boom de l’IA générative, certains pensent que l’IA va générer d’énormes gains de productivité et remplacer certains métiers de façon quasi magique. Une illusion largement entretenue par les médias et certains fournisseurs de services ou de logiciels.
Solène Julier : Les grandes et moyennes entreprises testent toutes ChatGPT ou Copilot. Le défi, c’est de passer du PoC (Proof of Concept) à l’échelle, car les promesses de l’IA ne se concrétisent pas en un claquement doigts. La route est souvent plus longue que prévu, alors que la volonté de créer de la valeur et de réduire les coûts est prégnante.
Quel travail est-ce que cela implique ?
S.J. : Eurogroup Consulting et son partenaire La Javaness amènent leurs clients à adopter une approche holistique de l’IA en réfléchissant à son pouvoir transformant. On commence par analyser la manière dont l’IA impacte la chaîne de valeur et le business. On identifie des cas d’usage, des problématiques métiers sur lesquelles l’IA aurait un intérêt. Puis, on regarde ce qu’il faut faire évoluer en termes de gouvernance de la donnée, de métiers, de compétences, d’organisationet d’infrastructures technologiques jusqu’au développement des solutions.
F.H. : Autre point clé : l’acculturation et la formation des collaborateurs. Il faut que chacun comprenne la transformation systémique qu’implique l’IA. C’est pourquoi nous avons créé le programme de formation Generative Experience. Bien manier les concepts de l’IA, comprendre ce qu’elle permet de faire et à quelles conditions contribue à démystifier l’IA et embarquer les collaborateurs
Quelle est la place de la donnée dans ce processus ?
S.J. : La donnée, c’est le nerf de la guerre et le capital de demain. D’où le besoin d’une gouvernance de la donnée partagée entre les différents métiers.
F.H. : Souvent, la donnée est de piètre qualité, intégrée selon des référentiels différents… La rendre accessible et cohérente nécessite une intervention des services techniques, mais aussi business, car ce sont des choix stratégiques.
Ce travail peut-il décourager certaines entreprises ?
S.J. : Dans un contexte économique incertain, mieux vaut investir dans une démarche structurée plutôt que dans des initiatives dispersées qui ne permettront pas de vrai retour sur investissement.
F.H. : La mutation mobilise du temps, de l’argent, des énergies… Mais les entreprises qui n’amorcent pas cette transformation deviendront demain les fournisseurs de ceux qui sauront gérer la data. Se posera alors pour eux la question de leur autonomie stratégique.
Interview publié dans HEC Stories le 19/12/2024
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