Nous traversons actuellement une crise sans précédent liée à l’épidémie de Covid-19. Elle met en lumière que même les meilleurs moyens de contrôle et de pilotage ne peuvent empêcher un bouleversement de l’ensemble des marchés. Ainsi, nous assistons à l’effondrement de l’offre et de la demande, des ruptures, des tensions, et l’arrêt brutal des chaines d’approvisionnement. La crise immédiate qui s’est installée demande que nous répondions strictement aux besoins essentiels : alimentation, santé, sécurité. Arrive ensuite une crise plus profonde liée à la mise à l’arrêt des activités sur les autres marchés.
LE BOULEVERSEMENT DES MARCHÉS
Un risque parmi tant d’autres
On ne peut tout prévoir. Cette crise fait ainsi prendre conscience que les pandémies s’ajoutent aux risques, comme les accidents nucléaires ou les phénomènes météo, qui peuvent mettre à mal nos logiques d’approvisionnement. Elles bouleversent aussi bien l’offre que la demande. Nos entreprises doivent ainsi trouver des solutions immédiates pour redémarrer. Mais elles doivent également préserver leur viabilité économique à court terme. Enfin, il est nécessaire qu’elles intègrent ce risque dans leur environnement pour en minimiser les conséquences.
Une transformation profonde à venir en réaction à cette crise
Les annonces de plusieurs gouvernements incitent à penser que des transformations profondes de nos économies vont être initiées par la puissance publique. Notamment l’autonomisation par régions/pays de filières « essentielles », la flexibilité entre les marchés ou encore le stockage stratégique, …
Pour les mois à venir, il est nécessaire de retrouver des marges de productivité. A cela s’ajoute les transformations annoncées. Tous ces éléments vont conduire les entreprises à rechercher de l’efficience, de la sécurisation des sources d’approvisionnement, de la flexibilité, de la résilience et de la coopération client/fournisseur.
Il ne suffira pas de vouloir produire au juste besoin et au meilleur prix, mais bien à optimiser l’ensemble des ressources. L’objectif sera alors de rechercher, dans une compétition mondiale, à offrir aux marchés les produits les plus conformes aux attentes d’usage mais aussi environnementales, au moindre coût.
Plus largement, il faudra également répondre aux enjeux de transition énergétique. Pour ce faire, la production de biens manufacturés, mais aussi les services et les chaînes logistiques associées, devront être progressivement décarbonés.
Un monde sous contraintes
Cette optimisation devra être réalisée dans un monde de contraintes. En premier lieu, la sécurisation de la chaîne d’approvisionnement. Au-delà de la mise en place d’une réponse simple comme des stocks stratégiques, il conviendra de rechercher une intégration de sa chaîne d’approvisionnement ou une multiplication de ses sources stratégiques.
Deux leviers de réactivité : le digital et la collaboration active
La mise en place de leviers comme le digital ou la collaboration active permettra alors de retrouver de la réactivité.
La mise en avant du rôle des imprimantes 3D dans la gestion de la crise liée au Covid-19 montre bien les capacités de l’outil digital dans la sécurisation d’une source d’approvisionnement. Le besoin de réorienter rapidement des flux d’une région du monde à une autre ou d’un marché à un autre montre aussi le besoin en tour de contrôle intelligente. La coopération client/fournisseurs sera un des leviers majeurs du retour à la performance opérationnelle. Elle permettra notamment de gérer ensemble un bouleversement de l’offre et de la demande. En outre, elle favorisera la mise en place d’une politique de quotas non subis. Enfin, ce travail conjoint permettra de rechercher une solution commune à un problème donné. Le tout dans une chaîne rendue flexible par des entreprises polyvalentes sur une dimension produit et marché, réactive aux bouleversements que nous pourrions connaître de nouveau. Les cas de reconversion connus lors de cette pandémie montrent que l’agilité facilite une sortie de crise. Il suffit de prendre pour exemple la bascule de l’électronique grand public vers la santé ou du prêt-à-porter vers les équipements de protection individuelle (EPI).
Au-delà de la perspective et de l’anticipation, il faut également affirmer une résilience de nos entreprises pour maintenir l’activité. De contraintes imprévisibles, comme des sites inaccessibles ou de la main d’œuvre confinée voire absente, sont en train de naître des solutions de nouveaux modes de distribution ou d’organisation du travail.
PREMIÈRE ÉTAPE CRUCIALE À RÉUSSIR : LE REDÉMARRAGE D’ACTIVITÉ
Après la stupeur de la crise sanitaire, le temps de la reprise est amorcé. Il est même initié dans de nombreux pays. Leur expérience montre que quatre thématiques sont à traiter. En premier lieu, l’organisation de la reprise d’activité, puis le pilotage dynamique des activités. Ensuite, la planification de crise, et enfin la remise à jour et la priorisation des plans d’investissement.
Organisation de la reprise d’activité
Les organisations des flux et des capacités, y compris humaines, doivent être adaptées au respect des règles sanitaires évolutives et à un nouvel environnement particulièrement incertain. De nombreux sujets doivent être investigués avec méthode. Parmi eux, l’adaptation de la gestion des flux de produits et de personnes, mais aussi le redimensionnement d’activités par rapport à une évolution de la demande ou des capacités. Ces investigations concernent également la modification des modes de distribution (Drive, click & collect, consignes, livraison à domicile…). Des outils ou démarches industrielles comme le Lean-Agile ont montré leur efficacité. Tous ces aménagements permettent de réorganiser les activités et d’assurer un bon niveau d’efficience et d’efficacité.
Planification de crise
Nous entrons dans une période de pénurie due à la mise en sommeil d’activités, à la présence de stocks à écouler et à des réductions de capacités. Ces dernières sont liées à l’absentéisme mais aussi aux mesures sanitaires. Nos méthodes de planification, établies sur de la prévision d’activité souvent issue d’un modèle statistique, sont totalement faussées sur deux paramètres principaux. Tout d’abord, les besoins essentiels ont évolué. Nous avons assisté à un changement de produit, voire de marché. Ensuite, l’immédiateté du besoin conduit les entreprises à évoluer dans un temps court. Nous devons donc changer de modèle de planification et améliorer son agilité. Pour ce faire, nous pouvons nous appuyer sur divers outils. Parmi eux : le contrôle de déviation des hypothèses, l’accélération des cycles S&OP, la rationalisation de la gamme de produits, la gestion de quotas ou la capacité d’arbitrage.
Pilotage dynamique des activités
Parce que la crise exige une réactivité immédiate, les chaînes de décision classiques sont rarement adaptées. Il convient de les réaménager pour raccourcir les délais « émission du besoin-décision-action ». Les décideurs sont alors capables de prendre la meilleure décision possible, car fondée sur une information pertinente et synthétique. C’est ainsi que nos entreprises seront en capacité de réagir et de décider. Elles s’appuieront sur un pilotage dynamique construit autour de l’autonomie dans l’exécution, du partage d’informations, des indicateurs synthétiques, pertinents et en cohérence avec les besoins en décisions rapides. Les principes de gestion de crise nous montrent que la subsidiarité, la responsabilisation, la collaboration étendue, l’unicité de l’information ou la prise d’hypothèses sont des outils facilitant la décision.
Remise à jour et priorisation des plans d’investissement
Les données de marché qui prévalaient il y a encore deux mois ont évolué. Elles imposent une re-prévision financière sur les deux prochaines années au moins. Les investissements décidés et en cours d’exécution sont à revisiter à l’aune de cette nouvelle donne. Nos entreprises doivent mener des actions essentielles pour sécuriser les CAPEX (dépenses d’investissement de capital). Ainsi, il est nécessaire de challenger les investissements en cours, évaluer les risques ou encore mesurer l’impact de la crise du Covid-19. Cela passe aussi par une redéfinition des critères d’investissements (marchés, organisation, capacité technique, contraintes financières) aux vues des nouvelles conditions de marché. Pour ce faire, il faudra garder en tête que le ROI (retour sur investissement) n’est plus nécessairement le seul critère d’évaluation.
MENER DE FRONT LA GESTION DES OPÉRATIONS ET LA REPRISE D’ACTIVITÉ
Notre expérience de gestion de crise acquise notamment au sein des Armées nous enseigne qu’il faut savoir gérer simultanément les opérations et les réflexions sur le temps d’après. Ainsi, les organisations conservent un temps d’avance. Tout en travaillant sur le redémarrage d’activité, elles devront œuvrer à la préservation des équilibres financiers pour les prochains mois. Ces actions seront menées en parallèle à l’indispensable transformation des opérations et à la définition de la supply chain dans le monde de demain.
La pratique du conseil en entreprise nous montre qu’on ne peut plus dissocier les équipes qui font et les équipes qui réfléchissent. En période de crise, les ressources sont concentrées sur l’opérationnel et peuvent difficilement dégager le temps nécessaire à la réflexion. Pourtant, les décideurs doivent impliquer de manière participative leurs équipes à bon escient dans les réflexions d’adaptations ou d’évolutions. Bien animée, cette mobilisation des équipes terrain permettra de faire émerger des solutions innovantes, réalistes et actionnables car coconstruites.
Alexandre de la Nézière, Associé chez Newton Consulting a développé une expertise en gestion de crise tirée de son parcours d’officier St Cyrien au sein des Armée et de son expérience industrielle de plus de 15 ans.
Olivier Pagès, Associé chez Eurogroup Consulting, est spécialiste des démarches de performance et de mobilisation, il intervient dans les secteurs de l’Industrie, l’Energie et auprès de nombreux Gestionnaires d’Infrastructures
Eurogroup Consulting et Newton.Vaureal Consulting sont associés dans un pôle d’expertise Supply Chain de référence.
Plus de 50 consultants, managers et associés, sont dédiés à cette pratique. Ils portent ainsi la capacité à construire les transformations stratégiques, bâtir les organisations gagnantes et garantir l’excellence opérationnelle.
Notre style d’intervention s’appuie sur notre approche « terrain » et la capacité à faire adhérer l’ensemble des acteurs à mobiliser quel que soit leur niveau hiérarchique. Par ailleurs, la composition de nos équipes fortement colorées de séniorité opérationnelle nous permet d’être rapidement efficaces dans nos interventions.