Notre système de santé a montré son agilité dans une crise sanitaire sans précédent : transfert de patients par TGV, triplement des lits de réanimation, gestion de flux patients différenciés… Cette capacité d’adaptation et d’innovation dans l’urgence rappelle, à plus d’un titre, les principes fondateurs des hackathons. Plus que jamais, ces derniers ont un rôle à jouer pour renforcer l’innovation en santé.
C’est dans ce contexte que se tiendra, du 29 au 31 mai 2020 le Hacking Health Camp, dont Eurogroup Consulting est partenaire depuis 5 ans.
UN TEMPS D’ÉCHANGE ESSENTIEL POUR L’INNOVATION EN SANTÉ
Un RDV désormais incontournable
Le hackathon Hacking Health Camp constitue un rendez-vous incontournable pour les innovateurs en santé. Chaque année, près de 500 personnes se réunissent à Strasbourg pour apporter leurs contributions concrètes au système de santé. Après 3 jours de co-construction en immersion, 40 projets émergent pour répondre aux besoins terrain des patients ou des soignants.
En 7 ans, le hackathon a permis de faire émerger plus de 150 prototypes et 20 start-ups.
Les clés du succès
Plusieurs facteurs entrent en compte dans la capacité à formaliser avec succès des avancées concrètes.
Le prototypage favorise l’innovation en cycle court, depuis le pitch d’une idée jusqu’à sa concrétisation. Les réflexions sont concentrées sur 50 heures de travail collectif. Le Hackaton permet aussi, dans un écosystème dédié à l’innovation, de s’affranchir des contraintes habituelles de développement de projets. Il encourage les regards croisés, en associant professionnels de la santé, patients, informaticiens, designers, business developpers… pour rendre l’innovation la plus robuste possible. Il s’agit, enfin de toujours partir de situations concrètes, observées par les professionnels de santé ou les patients, pour définir les innovations qui seront utiles et utilisées sur le terrain.
Dans le cadre des ateliers préparatoires du hackathon 2020 qui se sont déroulés en France, Eurogroup Consulting a accueilli l’étape parisienne au mois de janvier dernier. Celle-ci réunissait soixante personnes environ.
En raison de la crise sanitaire, le Hacking Health Camp s’est avant tout repositionné en deux temps : un temps totalement dédié à la lutte contre le COVID-19 via un hackathon on line du 17 mars au 10 avril 2020. Enfin, la septième édition à la fois en présentiel et en ligne, se déroulera du 29 au 31 mai prochains.
Trois temps forts
Depuis 5 ans, Eurogroup Consulting est partenaire de cet événement qui se structure autour de 3 temps forts (cf. schéma ci-contre). Il vise à transformer, en à peine 50h, une idée innovante en prototype fonctionnel. Les porteurs de projets disposent d’une minute pour « pitcher » leur idée et convaincre les participants de constituer une équipe pluridisciplinaire. C’est là un prérequis essentiel à la participation au hackathon.
L’expertise de nos consultants intervient d’abord dans la répartition des innovations en santé, selon 4 catégories :
- Mise en relation entre les patients (ou entre les patients et les aidants), afin de répondre au besoin de partage d’expériences autour d’une pathologie ;
- Fluidification des parcours patients grâce aux relations entre professionnels et aux échanges d’informations ;
- Définition de nouveaux outils pour les soignants afin de leur permettre de mieux exercer leur métier ;
- Conception de nouveaux outils à destination des patients pour améliorer leur parcours et le vécu de la maladie. Ces outils s’appuient souvent sur la data ou l’IA.
DE NOUVELLES FORMES D’INNOVATION LIÉES À LA CRISE
L‘agilité du système de santé en période de crise
Bien sûr, le hackaton ne représente pas la seule façon d’innover. Le système de santé français a démontré son extrême agilité et sa capacité d’adaptation dans cette crise. Augmentation du nombre de lits de réanimation, avec des équipes hospitalières qui ont su « pousser les murs », la contribution de tous les professionnels de soins en renfort des équipes de réanimation, le transport de malades par voie aérienne ou ferroviaire…. Les prouesses et les innovations ont été quotidiennes.
Pour autant, grâce la version en ligne du Hacking Health Camp et à la mobilisation de la communauté de hackers de la santé, des initiatives nouvelles se sont concrétisées. Vingt projets ont été proposés en ligne pour permettre de lutter contre le COVID-19. Trois prototypes ont abouti après cinq semaines de travail en ligne, et sont actuellement testés.
De nouvelles priorités pour l’innovation
Il est vrai que la singularité de la crise sanitaire liée au Covid-19 a fait émerger de nouveaux besoins. L’analyse des 20 projets montre que les priorités et les innovations diffèrent un peu en période de crise de celles proposées en temps « normal ».
Parer à l’urgence
Une part non négligeable des projets présentés utilise l’impression 3D, notamment pour la réalisation de masques de protection ou de masques respiratoires. Il s’agit de solutions coûteuses. Seules l’ampleur de la crise et l’urgence de la situation permettent d’expliquer la mise en avant de ces projets, assez lourds à développer en temps normal.
Faciliter la mise en relation
Les projets d’applications relationnelles qui permettent aux soignants de partager leur quotidien et leurs bonnes pratiques, y compris à l’échelle nationale, sont surreprésentés. Ces applications favorisent avant tout les échanges et la coopération entre les établissements. A contrario, les projets dédiés à faciliter les interactions entre patients sont minoritaires dans cette période de crise sanitaire.
Favoriser la recherche et le « temps réel »
Enfin, le hackathon en ligne a fait la part belle aux projets utilisant la donnée. D’abord pour renforcer les capacités analytiques des épidémiologistes dans la modélisation des caractéristiques du virus (propagation, létalité, …). D’autre part, pour aider les soignants à identifier en temps réel la disponibilité des lits de réanimation. Dans le contexte de crise, l’utilisation de la donnée répond à deux enjeux essentiels :
- l’appui au travail des chercheurs contre le Covid-19
- la prise en charge en temps réel, en réponse à des problématiques de protection des données personnelles ou de difficultés de connexions aux systèmes d’information des hôpitaux.
A l’issue du hackathon en ligne, trois projets ont pu être déployés auprès des équipes soignantes, démontrant ainsi que l’innovation à distance et en ligne est aussi possible qu’efficace.
Innomed 360, porté par Roderick Ballan (ingénieur biomédical à Strasbourg) et son équipe, permet aux équipes du SAMU d’obtenir, en temps réel, l’état des lits disponibles pour l’accueil de patients COVID-19 dans chaque service ou établissement d’une région. Cet outil de mise en relation vise ainsi à accélérer la prise en charge des malades tout en augmentant le temps que les médecins pourront consacrer à leurs patients.
Regul’Aid, part du constat qu’en situation de stress, un patient retient peu les informations qui lui sont données, notamment par le SAMU. Le logiciel, présenté par Thierry Pelaccia (médecin urgentiste à Strasbourg), a vocation à optimiser l’action du SAMU. Cela passe par une meilleure transmission des informations entre les médecins du SAMU et le patient en ligne grâce à l’envoi de SMS ou de mails. Après un premier échange, un questionnaire de suivi de l’état du patient est envoyé et permet d’assurer une continuité. Habituellement, la relation avec le SAMU est « unitaire » et non suivie dans le temps. Ce logiciel a été utilisé au SAMU 67, particulièrement sollicité dans la crise liée au Covid-19.
Enfin, 1500 boucliers de protection pour les soignants ont été produits par des bénévoles. Le hackathon a en effet permis la constitution d’équipes qui se sont organisées pour designer, produire, livrer, tester des boucliers de protection et généraliser ensuite leur production.
Toutes ces initiatives pourraient avoir vocation à se pérenniser voire à se déployer sur des besoins proches et au sein d’autres structures.
Le Hacking Health Camp et les innovations en santé qui en émergent ont une vraie valeur ajoutée pour les soignants sur le terrain. Ces dernières délivrent des réponses concrètes à des irritants quotidiens. Comme pour tout processus d’innovation, il s’agit à présent de concevoir et d’assurer le passage à l’échelle et le déploiement de ces initiatives.
DÉVELOPPER L’INNOVATION DE FAÇON PÉRENNE ?
Dans leur gestion quotidienne de la crise sanitaire, les hôpitaux et l’ensemble du système de santé ont rarement adopté des démarches innovantes. Ils auraient intérêt à s’inspirer de quelques clés pour favoriser l’innovation :
- Prise de décision rapide, avec une accélération de la gouvernance hospitalière ;
- Logique de mise en production rapide pour rendre la solution opérationnelle la solution sur le terrain ;
- Collaboration de nombreux métiers dans une logique de contribution collective et dépassant les clivages entre les corps hospitaliers.
Un retour d’expérience pour pérenniser l’innovation
Innomed 360 et Régul’Aid ont ainsi été développés dans un temps record par des équipes pluridisciplinaires avant d’être utilisés au quotidien par les équipes médicales. Ce processus, consiste à développer en externe des projets, pour ensuite les intégrer rapidement au sein d’une structure. Il s’agit d’une réelle opportunité d’améliorations concrètes sans perturber un processus de soins. Ainsi l’innovation n’interrompt pas le processus mais l’intègre quand elle est mature.
On peut espérer que les acteurs de soins fassent évoluer les modes de prise de décision et de collaboration interne, afin de favoriser ces innovations. Ils devront notamment tirer tous les enseignements de la crise sanitaire actuelle. Seules l’accélération de la prise de décision et la généralisation de ces méthodes de travail seront à même de pérenniser des dynamiques et des transformations plus profondes.
Matthieu SAINTON, Associé chez Eurogroup Consulting