Pendant la crise sanitaire, le rôle des cabinets de conseil aux côtés des administrations a été questionné. En creux s’exprime l’inquiétude d’un affaiblissement de l’Etat. La puissance publique gagnerait-elle à se passer des services des consultants ?
Une tribune de Gilles Bonnenfant, Président d’Eurogroup Consulting et de Claudia Montero, Directeur général du cabinet, publieé le 15 février 2022.
Haro sur les cabinets de conseil ! Depuis quelques mois, l’influence croissante de ces cabinets dans la fabrique des politiques publiques est pointée du doigt. Le recours aux consultants par les pouvoirs publics n’est certes pas une nouveauté. Mais au lendemain d’une crise sanitaire qui en a exposé la pratique, la place des cabinets de conseil se trouve interrogée dans le débat public.
Ces interrogations de nos concitoyens et leurs représentants sont légitimes. En creux, s’exprime l’inquiétude d’un affaiblissement de l’État. À la tête d’une maison de conseil française indépendante qui accompagne les organisations des secteurs public et privé dans leurs transformations depuis quarante ans, nous croyons utile et nécessaire d’y apporter quelques réponses.
L’accélération des défis et la complexification de l’action publique appellent de nouvelles ressources, qui trouvent leur place auprès des femmes et des hommes du secteur public pour les aider à engager des transformations.
Mettons d’abord une chose au clair : en tant que conseil, jamais nous ne prétendrons concurrencer l’expertise des agents publics, ou nous substituer à la conduite de l’action publique dont ils ont la charge. Notre rôle est de compléter cette expertise et de l’éclairer. La compléter lorsqu’un besoin ponctuel ou urgent nécessite de mobiliser promptement des compétences dont l’administration est susceptible d’avoir besoin. L’éclairer face à des enjeux naissants que l’administration a besoin d’appréhender en s’inspirant notamment de ce qui se passe ailleurs, dans le secteur privé ou à l’étranger. L’utilité des cabinets de conseil s’éprouve dans le rythme accru des mutations et des crises auxquelles nos sociétés font face, et devant lesquelles l’État se doit de rester une institution en mouvement. L’accélération des défis et la complexification de l’action publique appellent de nouvelles ressources, qui trouvent leur place auprès des femmes et des hommes du secteur public pour les aider à engager des transformations.
Rappelons ensuite que nous, cabinets de conseil, intervenons toujours dans un cadre. Jamais en lieu et place de l’État mais bien à son service. Les prestations de conseil font l’objet d’appels d’offres pour leur attribution, de critères quantifiables pour leur évaluation. Et la décision finale relève toujours de l’autorité publique.
Nous, cabinets de conseil, intervenons toujours dans un cadre. Jamais en lieu et place de l’État mais bien à son service.
Répondons maintenant à cette question incontournable : l’État est-il un client comme les autres ? En un mot : non. Travailler auprès de la puissance publique n’a rien de commun avec nos autres missions. Le service public repose sur un socle de valeurs et un état d’esprit qui forge son identité au service de la collectivité. Comment dès lors conjuguer la culture du service public et la culture du changement portée par nos consultants ? Il serait confortable de caricaturer le rôle du consultant en « cost killer ». Confortable, mais si loin de notre réalité. Car nous l’affirmons : aux valeurs de continuité de service et d’adaptabilité, nos équipes de conseil ajoutent leur savoir-faire pour prendre en compte les nouveaux standards que sont en droit d’attendre les agents comme les usagers du service public : efficacité, innovation managériale et gestion des carrières, écoresponsabilité, déploiement d’un meilleur service physique et digital…
Nous nous félicitons que le cadre régissant le recours aux cabinets de conseil soit appelé à exiger toujours plus de rigueur et de transparence.
La puissance publique gagnerait-elle à se passer de nos services ? Nous ne le croyons pas. Parce que la tentation du tout internalisé serait un facteur d’alourdissement des administrations, qui obérerait leur réactivité en cas de nouvelle pandémie sanitaire, cyber ou climatique. En revanche, nous nous félicitons que le cadre régissant le recours aux cabinets de conseil soit appelé à exiger toujours plus de rigueur et de transparence. Car c’est la condition sine qua non d’une intervention sérieuse, honnête et conforme aux valeurs du service public.
Conscients de ces valeurs, nos consultants continueront de pousser les portes des administrations, forts de leur expertise et de leur oeil neuf. Pour préparer notre pays à la révolution de l’intelligence artificielle, accompagner la transition écologique ou la transformation des territoires, nous entendons toujours mettre notre énergie et nos convictions au service du secteur public.