La Direction des Systèmes d’information (DSI) a longtemps été considérée comme une fonction support et un centre de coût pour les organisations.
Toutefois, un ensemble de facteurs conjoncturels et structurels font évoluer cette perception. En effet, la DSI est au cœur de la transformation digitale, accélérée par la crise sanitaire récente. Que ce soit sur les questions de télétravail ou sur la nécessité d’adopter le e-commerce. La DSI est à la manœuvre sur les sujets de sécurité avec des cyber-attaques de plus en plus fréquentes. Elle est mise à contribution sur les enjeux de transitions (numérique responsable). A ce contexte s’ajoutent les évolutions technologiques permanentes (Cloud, IA, IoT, entre autres). Ainsi, la DSI doit traduire son rôle de pilier stratégique pour s’adapter à la conjoncture et soutenir la transformation sur la durée.
Plus simples gestionnaires ou techniciens, les DSI doivent occuper un rôle de stratèges, de visionnaires, capables d’impulser et de concrétiser la transformation digitale dans leur organisation.
Pour relever ce défi, Eurogroup Consulting propose de différencier la gouvernance de la DSI selon 3 natures de sujets traités. A savoir : l’évolution du socle technologique, la génération de valeur pour les métiers et la modernisation de l’expérience collaborateur.
Sommaire
LA GOUVERNANCE DE LA DSI DOIT ÉVOLUER AU SERVICE DE SON RÔLE STRATÉGIQUE
La DSI est traditionnellement perçue et pilotée comme une fonction support
Les organisations ont longtemps considéré la DSI comme un centre de coût. Dans ce modèle, la DSI est perçue comme fournisseur de services pour les métiers. Comme le ferait un prestataire externe.
Les attentes vis-à-vis des DSI ont largement évolué. Pour autant, les processus et la nature des décisions prises lors des instances de gouvernance portent encore les caractéristiques de leur positionnement historique :
- Le suivi des KPI’s de moyens reflète souvent une posture de justification. Les indicateurs de coûts sont suivis en priorité alors que la contribution de la DSI à la performance des métiers est rarement identifiée. Trop peu mise en avant.
- La pyramide de reporting ne remplit pas son rôle de filtre. Des décisions unitaires, projet par projet, se retrouvent à tous les niveaux de la DSI. Le middle management joue souvent le rôle de qualification d’arbitrages… réalisés en fin de compte par le DSI ou son CODIR. On pourrait attendre une plus forte décentralisation de la décision par projet. Ainsi qu’un focus du CODIR SI sur la contribution transverse du portefeuille aux objectifs stratégiques métier.
- Enfin, le pilotage porte plus sur le suivi des opérations, la priorisation de ressources en tension, que sur l’orientation stratégique proactive. Cela rend le pilotage ponctuel et analytique, sans mise en perspective. Cette somme de décisions ponctuelles conduit à une gouvernance souvent réactive. En pratique, les équipes DSI font part de moins d’initiative. Elles n’ont d’ailleurs pas toujours les moyens de se projeter sur les solutions à anticiper.
Les évolutions technologiques imposent aux DSI une prise de décision au service de la stratégie
Les transformations digitales tendent à faire évoluer le rôle des DSI. Les nouvelles technologies, avec leurs risques et leurs opportunités, imposent aux DSI un positionnement clair. Une prise de décision à haut niveau.
Ainsi, l’IoT bouleverse les infrastructures, les compétences techniques et les usages métier associés. La sécurité doit désormais être pensée dès le design, au niveau de l’ensemble de l’organisation. L’IA impose des prérequis sur le socle technique et sur l’évolution des compétences de fabrication et de gestion de projet autant que de maintenance. Le Cloud et les enjeux du SaaS, de la consommation à l’usage (PaaS/IaaS) questionnent la désintermédiation de la DSI, l’intégration et la gestion des vulnérabilités. L’évolution de l’architecture applicative devient un enjeu IT majeur pour favoriser l’interopérabilité des SI et l’APIsation. En parallèle, le fonctionnement agile et DevOps permet une collaboration plus forte avec le métier, quand l’environnement de travail collaboratif est lui-même en plein essor. Enfin, les réseaux et télécoms gagnent en importance pour suivre les nouveaux usages. La donnée est acceptée comme une ressource essentielle à la transformation en général.
La DSI doit donc avoir la capacité d’adresser ces nouveaux enjeux pour sécuriser le positionnement de l’organisation sur le marché. Avec la transformation digitale, l’enjeu technologique n’est plus seulement l’apanage des entreprises dont la donnée/l’innovation sont au cœur du business model. Les ruptures technologiques sont susceptibles d’affecter toutes les industries. La sécurité SI devient un enjeu stratégique pour toutes les organisations. De même, sur le marché de l’emploi, le risque de polarisation est important. Avec d’une part, les DSI qui investissent stratégiquement et savent valoriser leur positionnement. Et d’autre part, les DSI dont l’engagement est moins marqué. Celles-ci peuvent de plus en plus difficilement se démarquer sur des ressources en tension. Les premières attireront des talents. Elles auront plus de poids pour négocier avec les fournisseurs/éditeurs. Alors que les secondes rencontreront des difficultés à recruter, à lutter contre le shadow IT et à s’affranchir des fournisseurs externes.
Une prise de décision souvent en réaction et orientée sur des sujets ponctuels
NOS RECOMMANDATIONS POUR UNE DSI DÉCISIONNAIRE ET STRATÉGIQUE
Pour revoir son positionnement, la DSI se doit de réinvestir 3 objets de décision. Sur chacun d’eux, elle doit ainsi définir son rôle : leader, en charge ou contributrice. Eurogroup Consulting propose de distinguer les 3 sujets suivants :
L'évolution du socle technologique
A l’heure des innovations technologiques successives, il positionne la DSI comme leader incontournable au sein de l’entreprise.
La génération de valeur métier
Elle reste la valeur cardinale pour guider la prise de décision de la DSI. Celle-ci se doit donc de créer des lieux et une dynamique de collaboration avec les métiers.
La modernisation de l'UX collaborateur
Avec l’influence grandissante du rôle du poste de travail dans le quotidien des métiers, sa résilience au télétravail comme au risque cyber, l’expérience collaborateur relève de manière croissante de la compétence de la DSI.
Les autres enjeux majeurs doivent être portés de manière transverse dans les instances de gouvernance de la DSI : sécurité, numérique responsable, gestions des compétences, achats.
Positionner la DSI en leader de la gouvernance technologique
Le socle technologique représente les choix concernant les infrastructures (hébergement, stockage, réseau), le middleware, etc. S’il n’est pas au niveau, c’est la compétitivité de l’entreprise qui peut être mise en danger. La DSI doit endosser le rôle de stratège vis-à-vis du COMEX sur les choix de socle technologique afin d’éviter d’être dessaisie des choix structurants… au profit de prestataires/éditeurs.
Pour cela, la DSI doit se donner les moyens de jouer pleinement ce rôle. La gouvernance qu’elle installe doit lui permettre de guider les instances dirigeantes et faire l’effort de pédagogie vis-à-vis de l’ensemble des parties prenantes pour collecter les éclairages et expliquer les incidences.
Voici 5 pistes de principes de gouvernance sur cette thématique :
Positionner le DSI en responsabilité directe
Vis-à-vis du COMEX / DG-DAF sur les sujets liés aux socles technologiques.
Mettre en œuvre et assurer le suivi d’un plan d’investissement
Ce dernier doit répondre aux enjeux technologiques en conservant une logique de programmation budgétaire à moyen terme, au regard d’une ambition technologique et métier.
Réinterroger la performance du socle technologique de manière récurrente
Pour identifier des situations d’obsolescence, d’hétérogénéité des technologies et les problèmes de performance, et prendre en compte de nouveaux enjeux, autour du Green IT par exemple.
Adapter le portage des orientations technologiques
À leur importance stratégique pour l’entreprise, leur degré de maturité et la concentration du marché (portage par l’éditeur vs implication forte de la DSI).
Suivre régulièrement en CODIR un backlog des expérimentations
Et leurs enseignements en matière de technologie pour alimenter les décisions stratégiques et concrétiser les passages à l’échelle.
Intégrer un copilotage pérenne pour la création de valeur métier
La gouvernance des DSI doit favoriser puis intégrer un co-pilotage pérenne de la production avec les métiers. L’objectif ? S’assurer de guider les actions de la DSI par la création de valeur métier en restant dans une posture de dialogue stratégique, et en donnant à voir le potentiel d’usage des technologies pour permettre aux métiers de s’en emparer. Ce faisant, elle évite le risque d’être reléguée au simple rôle d’exécutant, voire d’être exclue de la production de services numériques par des acteurs métiers qui préfèreraient des prestataires, des équipes IT métier, ou encore des usines digitales indépendantes de la DSI.
Voici 4 pistes de principes de gouvernance sur cette thématique :
Revoir le processus d’investissement
Pour ancrer la responsabilité du métier sur les critères de priorisation – pas uniquement basé sur un ROI, mais au regard des enjeux de transformation métier. C’est le métier qui détermine les critères de choix. Amélioration de la rentabilité, de la productivité, modification du positionnement sur le marché, renforcement de l’accès en mobilité…
Mettre en place un « killing committee »
Intégrer un mécanisme pour arrêter rapidement des projets s’ils ne délivrent pas la valeur attendue (killing committee). C’est-à-dire dans les premiers jalons de décision, dès les premiers tests utilisateurs (idéalement, pour les projets applicatifs, sur les phases de conception / maquettage).
Installer un dialogue DSI/métier
Positionner les acteurs de la DSI dans une posture de dialogue entre pairs vis-à-vis des métiers pour sécuriser les choix numériques. Le binôme DSI/métier doit traduire des mandats complémentaires. Un métier responsabilisé sur la pertinence du besoin et une DSI garante de la cohérence de l’architecture, des voies de réalisation, de la robustesse technique et du respect des normes de sécurité, et également capable de conseiller la DSI sur ses choix et ce dès l’amont en faisant des propositions.
Etablir ce dialogue à tous les niveaux
Que ce soit au niveau des projets, domaines, SDSI. Intégrer également la réflexion autour de l’évolution de l’architecture fonctionnelle (puis applicative) aux processus de décision à l’échelle des projets. Ainsi, la pyramide de décision doit retrouver son rôle : rendre autonomes les projets sur leurs orientations, recentrer le CODIR sur la trajectoire et la transformation des métiers in fine.
Devenir et rester un interlocuteur privilégié de l’expérience collaborateur
Pour sécuriser son apport de valeur dans l’expérience collaborateur, la DSI doit se positionner comme expert et fournisseur de solutions, mais également travailler en collaboration étroite avec les utilisateurs. Son système de gouvernance doit assurer un dialogue étroit avec les métiers et avec les départements RH et communication. Le prérequis d’un parcours utilisateur sécurisé et sans couture est en effet l’architecture fonctionnelle et technique.
Voici 6 pistes pour envisager la gouvernance de la DSI au service de l’expérience collaborateur :
Penser l’expérience collaborateur de manière globale
Comprendre l’ensemble des vecteurs qui y participent : poste de travail et digital workplace, bureaux, services, digitalisation des applications métier, support utilisateur, etc.
Intégrer la dimension cybersécurité
Dans le processus de décision lié à l’expérience collaborateur.
Mobiliser les directions / fonctions de la transformation, du marketing et de la communication interne
Pour favoriser l’adoption des outils qui participent à l’expérience collaborateur.
Ne pas décider des investissements sous le seul prisme du ROI
La crise sanitaire a ainsi prouvé le rôle majeur des conditions de télétravail et la digital workplace comme facteur d’attractivité de l’organisation et de résilience de l’activité. Considérer aussi les enjeux de Green IT et l’impact carbone élevé de l’achat ou du renouvellement des matériels informatiques.
Favoriser les logiques itératives
Pour être au plus près des besoins des collaborateurs. Par exemple avec un groupe d’utilisateurs clés.
Anticiper les besoins de la génération digital native
Dans les choix fonctionnels et techniques réalisés et leur évolutivité. Adapter les outils existants à des pratiques amenées à se répandre dans le monde du travail.
Intégrer systématiquement les enjeux transverses dans la gouvernance DSI
Des enjeux trop souvent oubliés aujourd’hui doivent faire l’objet de discussions et de décisions dans les instances stratégiques et opérationnelles. Les réflexions de la DSI doivent aborder ces sujets transverses de sécurité, gestion des achats et fournisseurs, gestion des compétences et numérique responsable.
4 questions à poser :
- Avec la fragilisation des frontières numériques des entreprises (BYOD, porosité des usages numériques) : comment aider l’ensemble de l’organisation à se mettre à niveau et à gérer les nouveaux risques de sécurité ?
- Dans un contexte de ré-internalisation des compétences, alors que la DSI reste un poste de dépense important, comment définir une frontière réaliste et maitrisée entre le make et le buy ?
- Face à la compétition accrue pour attirer les compétences et les talents clefs : comment attirer, conserver et faire évoluer les talents indispensables au fonctionnement d’une DSI moderne ?
- Avec des enjeux de transitions accrus pour les organisations, comment positionner la DSI comme acteur majeur sur ce sujet, dans sa capacité à faire évoluer le système d’information pour qu’il soit plus conforme environnementalement comme socialement, mais également pour aider les métiers à utiliser la technologie au service de leur propre transition ?
Ces orientations sont transverses aux trois fonctions de la DSI – décideur des technologies, partenaires des métiers, contributeur de l’expérience collaborateur – elles doivent ainsi être abordées ou rappelées sur chacune des grandes orientations.
Repenser le CODIR DSI et revoir l’incarnation du rôle décisionnaire par le DSI et son CODIR
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La transverse digitale d'Eurogroup Consulting
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Félix Humbaire
Associé, Eurogroup Consulting
Vincent Montagné
Directeur, Eurogroup Consulting