Le secteur de la mobilité, qui pèse 4.000 milliards d’euros, fait figure de nouvel eldorado. Et les appétits s’aiguisent entre acteurs : constructeurs automobiles, établissements financiers ou sociétés de high-tech. Retrouvez le point de vue de Bertrand de la Villéon* publié dans Capital en janvier 2023.
QUELS ENJEUX DE LA MOBILITÉ DU FUTUR ?
Le marché de la mobilité reste encore segmenté. D’un côté, les acteurs historiques comme les constructeurs automobiles, les loueurs de courte durée (Sixt, Europcar) ou de longue durée (Arval, ALD) et les opérateurs de transport collectif privés ou publics (RATP, Keolis, Transdev…). De l’autre, les nouveaux entrants automobiles (Tesla, Link & Co), les fournisseurs de services et solutions de mobilité (Uber, BlaBlaCar) et les «tech companies » du software ou de l’intelligence artificielle (Google Waymo, Microsoft). Ils sont encore chacun «dans leur couloir » alors que le grand décloisonnement autour du concept de mobilité est en marche.
Dans cette transformation majeure à venir, il faudra surtout satisfaire les attentes des consommateurs. Se déplacer est et restera un besoin essentiel de l’être humain. Il est donc probable que toute restriction dans ce domaine soit massivement rejetée. Le développement de la mobilité dite «collective» constitue une partie de la réponse face aux enjeux économiques et écologiques, mais elle n’est pas suffisante pour répondre à certains besoins individuels légitimes.
Quels sont, dès lors, les autres enjeux essentiels de l’équation ? La mobilité du futur restera un concept de masse devant apporter des solutions sûres, industrielles, propres, efficientes, flexibles et à un coût acceptable pour tous. Elle s’affranchira du principe de propriété pour développer la notion de service et d’usage adaptée à la fois aux changements des comportements d’achat et à l’utilisation optimale des moyens.
Elle devra répondre aux dynamiques mondiales, allant de l’extrême urbanisation des métropoles aux besoins spécifiques des territoires ruraux, jusqu’au levier d’émancipation qu’elle représente pour les pays en voie de développement. Elle sera multimodale, en particulier dans les zones urbaines où, paradoxalement, la congestion s’accroît à mesure que les véhicules individuels sont bannis des centres-villes. Cette multimodalité La mobilité du futur devra intégrer en pionnier plusieurs apports technologiques (conduite autonome, hydrogène, batteries solides, etc.) pour répondre aux contraintes à venir. Enfin, elle devra être frugale quant au développement d’infrastructures. nécessitera de trouver le «tiers de confiance» capable de proposer une offre étoffée et d’assurer une juste redistribution de la valeur entre opérateurs. Cette problématique est pour l’heure non résolue.
LES GAGNANTS DE LA MOBILITE
Face à cette équation multicritères, aucun acteur ne peut, à lui seul, s’imposer sur ce marché. Les gagnants seront les constructeurs automobiles qui affirmeront leurs mues vers les services et qui se rapprocheront des acteurs du software et du digital.
Les services financiers seront eux les «vendeurs de pelles» de cette nouvelle ruée vers l’or. Ils détiennent en effet la clé pour transformer le coût de la propriété des moyens de mobilité en loyer d’usage, voire en abonnement pour les usagers.
Enfin, le tiers de confiance ne serait-il pas, sur les territoires à haute densité de mobilité, une autorité organisatrice faisant aussi le lien avec l’offre de transport collectif ? Les récentes opérations de marché préfigurent ce mouvement. En attestent l’alliance de Stellantis avec Amazon ou son récent rachat de la société aiMotive (véhicule autonome), l’alliance entre Renault et Google, ou encore celle entre Volkswagen et Microsoft. Luca de Meo, le directeur général de Renault, a affirmé que son groupe deviendrait à terme une «entreprise technologique qui intègre des véhicules».
De grandes manoeuvres entre banques et constructeurs sont aussi en cours dans le financement : de la refonte des partenariats chez Stellantis, à Renault qui rebaptise sa banque «Mobilize Financial Services» pour la rapprocher des services de mobilité ; du rachat de LeasePlan par ALD Automotive, filiale de Société générale (numéro 2 et numéro 3 de la location longue durée), aux nouvelles ambitions du Crédit agricole (joint-venture sur la location longue durée avec Stellantis, rachat des parts de Stellantis dans Fiat Bank), en passant par l’effervescence autour des offres d’abonnement (acquisition de start-up spécialisées à l’instar de Fleetpool par ALD ou de Bipi par Renault). Et ce n’est que le début !
*Bertrand de la Villéon, associé Eurogroup Consulting, auteur de l’étude «The future Amazon of mobility»
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Notre expert
Bertrand de la Villéon
Associé