En juin 2021, le gouvernement annonce le volet santé de France 2030 « Innovation Santé 2030 ». Il comprend un ensemble de mesures législatives et réglementaires ainsi que 7,5 milliards d’euros pour faire de la France la nation la plus innovante et souveraine en santé d’Europe.
Un an après son déploiement, Matthieu Sainton, Associé responsable de la filière Santé, Social & Solidarités chez Eurogroup Consulting, propose de décrypter le Plan « Innovation Santé 2030 »
OBJECTIFS ET DÉPLOIEMENT DU PLAN DE RELANCE FRANCE 2030
Tirer les leçons de la crise sanitaire : réparer le passé
L’épidémie de la Covid-19 a montré l’importance stratégique du secteur des industries de santé et l’aspect déterminant de la souveraineté française en matière de santé. Quelques chiffres éclairent la nécessité de sécuriser l’accès aux médicaments et aux dispositifs médicaux.
- La balance commerciale : sur les produits pharmaceutiques/dispositifs médicaux, la France réalise 51% de sa production sur le territoire national. Et donc 49% en dehors. A titre de comparaison, l’Allemagne effectue 58% de sa production sur son territoire et l’Italie 64%.
- L’accès aux médicaments et dispositifs médicaux : 17% présentent un indice de vulnérabilité d’approvisionnement très fort et 23% une vulnérabilité moyenne. Soit 40% des produits qui sont vulnérables dans notre consommation.
Par ailleurs, selon The Shift Project, ces importations de médicaments et dispositifs médicaux représentent 33% des émissions de gaz à effet de serre du secteur de la santé. Il est apparu primordial de constituer une base industrielle solide et innovante dans le domaine de la santé. L’enjeu est d’engager la France dans un mouvement de réindustrialisation et de relocalisation de la production de ces produits.
Le plan d’innovation santé 2030 : préparer le futur
Le plan « Innovation Santé 2030 » prévoit 7,5 milliards d’euros pour faire de la France la nation la plus innovante et souveraine en santé d’Europe. Concrètement, il s’agit d’un plan de relance par la dépense publique – ou plan d’investissement keynésien.
7 axes stratégiques le composent :
Renforcer la recherche biomédicale
Avec notamment l’émergence d’IHU et de nouveaux clusters, le renforcement des formations et de l’accueil de chercheurs.
Création de l’agence d’innovation en santé
Pour créer une impulsion et un pilotage stratégique de l’innovation (dont les contours restent à préciser car de nombreuses initiatives existent).
Offrir un cadre économique prévisible, cohérent et propice aux débouchés
La politique d’achat des établissements de santé joue un rôle essentiel pour garantir la sécurité de l’approvisionnement et permettre le développement des petites/moyennes entreprises et start-ups. Pour pouvoir anticiper et suivre la régulation du secteur, les entreprises ont besoin de visibilité.
Renforcer les essais cliniques en France
Soutenir les secteurs d’avenir des industries de santé
Thérapies innovantes, biothérapies, santé numérique… pour 2,5 millions d’euros.
Permettre une équité d’accès aux soins
Pour les patients et offrir aux innovations un cadre d’accès au marché accéléré : télésanté, actes innovants – dont les actes et traitements hors nomenclature.
Soutenir l’industrialisation des produits de santé
Pour accompagner la croissance des entreprises, avec 3,5 milliards d’euros de fonds BPI.
Dans ce contexte, on observe une multiplication d’appel à projets : tiers lieux d’innovation numérique dans les hôpitaux, BioCluster, IHU, Ségur numérique et Ségur investissement, etc. Le système de santé rentre dans une dynamique de transformation.
La souveraineté nationale comme opportunité stratégique et commerciale
Les produits stratégiques et vulnérables français représentent 100 milliards d’euros d’importations. 35% peuvent être relocalisés en France car provenant de géographies iso-compétitives.
Dans le top 4 des produits stratégiques et vulnérables figurent :
Les dispositifs médicaux
Les prothèses, articulations et organes artificiels, optique… représentent 5 milliards d’euros d’importations (en chiffre d’affaires), avec un potentiel de relocalisation de 35% (soit 1,8 milliards d’euros de valeur ajoutée).
Les équipements médicaux
Les équipements médicaux (thérapeutiques comme les respirateurs et diagnostiques comme la radiologie) représentent 2 milliards d’euros d’importations (en chiffre d’affaires), avec un potentiel de relocalisation de 30% (soit 630 millions d’euros de valeur ajoutée).
Les hormones
Les hormones représentent un total de 2,6 milliards d’euros d’importations (en chiffre d’affaires), avec un potentiel de relocalisation de 50% (soit 1,3 milliards d’euros de valeur ajoutée).
Les antibiotiques et antibactériens
Ils représentent 1,2 milliards d’euros d’importations (en chiffre d’affaires), avec un potentiel de relocalisation de 30% (soit 350 millions d’euros de valeur ajoutée).
et donc de valeur ajoutée à capter pour l’économie française (de ~4 milliards d’euros pour cette industrie).
Par ailleurs, la production de 20 biomédicaments contre les cancers, les maladies chroniques dont celles liées à l’âge, représentent 2,3 milliards d’euros.
C’est donc une véritable dynamique qui se met en place et qui constitue une opportunité commerciale pour les acteurs français, mais également internationaux, qu’ils soient publics ou privés.
VERS UNE TRANSFORMATION DU SYSTÈME DE SANTÉ
Le rôle essentiel des initiatives collectives
Les nombreux appels à projet visent à renforcer les ponts déjà existants entre les initiatives collectives de recherche fondamentale, de recherche appliquée et de mise sur le marché. Aujourd’hui, un IHU qui ne prend pas en compte le milieu industriel a moins de chances de réussite.
Un BioCluster concentré uniquement sur les industriels ne répond pas à ces attentes. Les appels à projet et les grandes politiques supposent désormais une concertation de l’ensemble des acteurs pour faire émerger des projets collectifs.
En parallèle, de nombreuses initiatives locales se structurent. Par exemple les Art 51, les initiatives liées à toutes les structures qui permettent l’accélération de projets : PSC, Digital Pharma Lab, HHC… Ces initiatives collectives sont essentielles. Elles permettent de structurer à la fois une culture commune autour de la santé mais également de favoriser des innovations clés.
Ces initiatives collectives sont essentielles. Elles permettent de structurer à la fois une culture commune autour de la santé mais également de favoriser des innovations clés.
Une montée en compétences des collectivités territoriales
Le manque d’attractivité du secteur pèse sur les offreurs de soins, notamment les hôpitaux et les libéraux. La situation semble bloquée : malgré la hausse des salaires et les multiples révisions de la gouvernance hospitalière, il manque toujours à l’appel de nombreux professionnels (au bloc opératoire, dans les EHPADs, etc.).
Miser sur le développement de logiques territoriales différenciées pourrait bien être la clé du problème. Les collectivités territoriales, ayant pris goût de leur engagement auprès des acteurs de la santé lors de la crise Covid-19, s’emparent de plus en plus de ces sujets. Ainsi, on dénombre de nombreuses initiatives de la part des régions, départements et même des communes (financement de logement, aide à l’installation, actions de prévention, etc.) Elles montent en compétences, ce qui augure d’un renforcement de leur rôle à l’avenir.
Néanmoins, il convient de rappeler que la mise en œuvre effective de la tarification à l’activité (T2A) a duré plus de 10 ans. On peut dès lors supposer que changer de système se fera dans la durée…
Notre filière santé
Matthieu Sainton
Associé, Eurogroup Consulting
Eurogroup Consulting accompagne l’ensemble des acteurs de la santé, qu’ils soient publics ou privés, en central ou sur les territoires, dans la définition et la mise en œuvre des changements nécessaires pour faire face aux mutations de leur écosystème.