RUÉE MONDIALE VERS LA DÉCARBONATION DES NOS INDUSTRIES
Face aux crises successives, ce n’est pas un choix, c’est une urgence dont chaque nation a désormais conscience. L’Europe s’est engagée à atteindre la neutralité carbone d’ici 2050 tandis que la Chine reprend son souffle après la crise sanitaire et s’élance avec toute sa puissance vers la transition énergétique. Autour d’elle, déterminés, les pays de l’Asie du Sud et de l’Est veulent se positionner sur les produits décarbonés. Dans un contexte de guerre commerciale, les Américains protègent leur économie par l’Inflation Reduction Act (IRA) et injectent des dizaines de milliards de dollars dans le volet climatique de leur relance. Bref, nous vivons une ruée mondiale vers la décarbonation de nos industries. Les économies qui l’atteindront les premières disposeront d’un redoutable avantage compétitif.
En Europe, comme dans le monde, la course est lancée. Mais la ligne de départ n’est pas la même pour toutes les nations. Par ses choix énergétiques, notre pays présente de solides atouts dont nos partenaires allemands ne disposent pas : la production d’électricité en France est ainsi assurée à environ 92% par des sources décarbonées selon RTE, quand les estimations concernant l’Allemagne dépassent à peine les 50%.
La France dispose donc d’une légère avance. Mais ne soyons pas naïfs : pour la conserver, nous devons parvenir à réduire notre dépendance aux importations par une réindustrialisation réussie. Pour prendre notre part dans cette ruée vers la décarbonation, nous devons donc permettre la construction de modèles industriels durables et investir massivement dans nos capacités industrielles. Une occasion unique se présente à nous : le projet de loi Industrie verte.
LE PROJET DE LOI INDUSTRIE VERTE : UNE OPPURTUNITÉ DE CONSTRUIRE NOS MODÉLES INDUSTRIES DURABLES
Le gouvernement propose au Parlement un texte pour lever les faiblesses et les freins qui gênent notre réindustrialisation, et surtout, s’assurer qu’elle soit verte. Les premières annonces dessinent un projet de loi autour de cinq chantiers, entre freins administratifs et fiscalité, en passant par la réhabilitation des friches. Notre place dans l’économie de demain se joue sur ce projet de loi, dont la mise en œuvre opérationnelle est urgente.
Nous n’avons pas le droit de laisser nos débats s’égarer dans la superposition d’étroites mesures techniques. Nous n’avons pas le droit de laisser d’éventuelles querelles politiques entraver la mise en œuvre de ce projet capital. L’urgence est absolue, pour le climat, pour notre économie, pour nos emplois, pour notre pays. Il serait vain de vouloir s’attaquer à toutes les batailles, nous devons prioriser, pour donner une immédiate et puissante impulsion vers la décarbonation de notre industrie.
Et la première bataille, c’est celle des cœurs ! Car trop à la traîne, trop lourde en carbone, trop discriminante pour les femmes, trop associée à un manque de qualifications, l’industrie souffre depuis longtemps d’un déficit d’image qui la rend peu attractive pour nos talents. Nous devons, dès maintenant, donner envie à notre jeunesse de s’engager dans cette aventure collective qu’est l’industrie de demain. Un enjeu crucial, alors que l’industrie doit recruter plus de 110 000 profils par an d’ici 2025 pour accélérer sa transformation (UIMM).
POUR DES CAMPUS « INDUSTRIES VERTES » !
La formation s’impose comme la deuxième urgence : les métiers de l’industrie verte s’inventent maintenant. Concentrons la formation, la recherche, l’innovation dans des campus « Industries vertes » !
Car soyons clairs, le succès de la décarbonation de notre industrie repose sur notre capacité à embarquer, collectivement, tous les acteurs qui y prendront part : talents actuels et futurs, grands groupes, ETI, PME et laboratoires de recherche. L’industrie verte sera portée par tous ces acteurs sur nos territoires, ils auront besoin de simplification, de liberté et d’innovation.
Les chantiers sont immenses mais nous les connaissons. Dans cette course vers la décarbonation, l’industrie verte a besoin de cet élan. Ne soupoudrons pas de mesures techniques, ne bridons pas ceux qui innovent par un carcan administratif trop lourd, simplifions, massivement, et vite !
*Gilles Bonnenfant, Président d’Eurogroup Consulting
Tribune publiée dans les Echos le 12/05/23
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Président d'Eurogroup Consulting