Les défis liés aux déplacements quotidiens sont nombreux : impact sur l’environnement, manque d’accessibilité pour tous, inégalités des territoires.
À l’occasion de la Journée Mondiale des Mobilités et de l’Accessibilité, nous nous sommes entretenus avec Cécile Gouesse, associée chez Eurogroup Consulting en charge des mobilités. La mobilité durable est devenue un impératif dans la quête d’un avenir plus respectueux de l’environnement et plus inclusif.
Dans cet interview, Cécile revient sur les principaux défis de la mobilité durable en France, tout en proposant des solutions concrètes. De la transition vers des modes de transport plus collectifs à l’amélioration de l’accessibilité pour tous, en passant par l’intégration de nouvelles technologies, l’avenir de la mobilité est prometteur mais exigeant.
Quels sont les principaux défis de la mobilité durable en France et comment pouvons-nous les relever ?
D’après le ministère de la Transition écologique et de la cohésion des Territoires, le secteur des transports de voyageurs et marchandises est le plus polluant, représentant près d’un tiers des émissions de gaz à effet de serre. Il est donc urgent de décarboner ce secteur, notamment en développant des solutions à faibles émissions, en particulier les motorisations des véhicules, telles que les bus électriques ou GNV/bioGNV ou encore le train à hydrogène. (D’après une étude de la SNCF et de l’Agence de la transition écologique, 110 000 tonnes de CO2 pourraient en effet être évitées chaque année avec l’hydrogène, équivalent à l’émission GES annuelle de 10 000 français.es). Même les modes électriques comme le tramway ou le métro peuvent contribuer à aller un cran plus loin, par exemple en récupérant de l’énergie de freinage pour la réinjecter dans le réseau (ex. Paris, Londres, Vancouver, …)
Alors que la voiture reste le moyen de transport le plus utilisé en France, un autre défi majeur que nous rencontrons est de passer d’un modèle centré sur le véhicule individuel à une approche plus collective.
Mais comment inciter les citoyens à privilégier des modes de transport collectifs, comme les trains régionaux (TER ou Transilien), les métros, les tramways, les cars express, les bus ou encore le covoiturage ? Cela nécessite de développer des politiques publiques ambitieuses pour encourager les changements de comportement.
On constate la même chose sur les modes doux. Certes, le vélo et les transports en commun sont largement utilisés à Paris, et quelques villes comme Strasbourg, Bordeaux, Nantes ont largement boosté l’usage du vélo.
Mais, hors des cœurs de ville et loin des gares ferroviaires et routières, quelles sont les solutions proposées en alternative à la voiture ?
Aujourd’hui, il faut inventer. Des solutions émergent avec les cars express qui ont vocation à être une alternative rapide et efficace, avec peu d’investissement, pour irradier un territoire (comme le plan Car express lancé par Ile de France Mobilités ou les lignes autour de Bordeaux)
On peut aussi réutiliser des “recettes” plus anciennes ayant déjà fait leurs preuves. C’est le cas du transport à la demande qui permet aux voyageurs habitant sur des territoires peu denses de rejoindre des lieux d’intérêt tels que la gare, le centre-ville, l’hôpital, à l’aide un système de réservation digitale ou via une plateforme téléphonique. Le co-voiturage peut aussi être une piste à explorer de manière plus structurelle (et pas uniquement en cas de grève).
Pour convaincre de l’usage d’un mode collectif, il est donc essentiel, voire indispensable, d’offrir une expérience de déplacement fluide, efficace et sans couture et cohérente, à travers :
- Le déploiement de services de mobilités partout et en particulier dans les zones « blanches » mal desservies
- Et le développement de compagnons de voyages tel un Waze du transport public qu’on appelle MaaS (mobility as a service) ou Mobilité servicielle. Il a vocation à accompagner les voyageurs tout au long de leur déplacement, en particulier sur les correspondances ou en cas de perturbation…
La question du financement se pose alors : comment trouver des solutions de mobilité qui soient à la fois efficaces et économiquement viables ? Comment pouvons-nous concevoir des services – qu’ils soient avec ou sans infrastructures ? – qui répondent aux besoins des citoyens tout en restant abordables et rentables sur le long terme ?
Enfin, l’accessibilité des transports en commun pour les personnes à mobilité réduite représente un autre défi, parmi les plus importants à relever.
Car il est primordial qu’elles aussi, soit 12 millions de personnes, puissent accéder à une mobilité durable.
Quel est l’état de l’accessibilité des transports en France et quels sont les obstacles à son amélioration ?
L’accessibilité des transports en France a encore une marge de progression considérable, bien que des avancées significatives aient été réalisées ces dernières années. En effet, tous les nouveaux projets intègrent désormais des normes plus inclusives. Par exemple, les nouvelles lignes de métro, tramways, bus, sont accessibles pour les personnes en situation de mobilité réduite, des applications pour favoriser le déplacement des personnes en situation de malvoyance se développent (ex. Ile-de-France Mobilités (ezymob.fr), et les applications existantes sont mises aux normes.
Concernant la remise à niveau des infrastructures existantes, des travaux concernant à la fois les gares et points d’arrêts sont en cours au travers de schéma directeur d’investissement important
Cependant, il reste difficile voire impossible de rendre accessibles certaines infrastructures telles que le métro parisien, en raison de contraintes techniques ou financières, notamment dues à leur ancienneté.
Pour accompagner les déplacements, les référentiels d’information voyageurs sont eux aussi pensés pour répondre aux différents types de handicaps temporaires ou non (visuel, auditif, cognitif…) …
Malgré tous ces progrès, il reste donc encore des obstacles à surmonter. Il est essentiel de poursuivre les efforts pour rendre les transports accessibles à tous les citoyens, en tenant compte des besoins spécifiques de chacun, qu’ils soient d’ordre moteur, cognitif ou pour faire face à une déficience auditive ou visuelle.
Des programmes d’accélération sont-ils prévus pour rendre les transports plus accessibles lors des Jeux Olympiques ? Auront-ils un impact durable ?
Les Jeux Olympiques et Paralympiques représentent une occasion unique d’accélérer les efforts en faveur de l’accessibilité des transports. Plusieurs initiatives ont été lancées pour garantir que les JOP soient accessibles au plus grand nombre et pour que cet engagement se poursuive au-delà de l’événement.
Des nouvelles lignes de transport, comme le prolongement de la ligne 14, du métro parisien ou RER E, sont conçues en tenant compte des normes d’accessibilité les plus récentes. Des offres spécifiques seront également proposées, telles que des services de transport dédiés aux usagers en fauteuil roulant depuis les grandes gares parisiennes jusqu’aux infrastructures olympiques.
Autre exemple : l’accessibilité c’est aussi savoir accueillir des touristes qui viennent du monde entier, ce que fait la SNCF avec son outil Trad’SNCF et ses 130 langues ou la RATP avec son outil Tradivia et ses 17 langues.
Afin d’accueillir les très nombreux voyageurs que la France attend pour cet événement planétaire, toutes les équipes ont été renforcées en nombre et en compétences pour délivrer la meilleure prise en charge possible.
En dehors du cadre des Jeux, des avancées réglementaires telles que la plateforme unique de réservation d’assistance pour les personnes à mobilité réduite ou en situation de handicap dans les trains régionaux et grande vitesse (sous la responsabilité de SNCF Gares & Connexions pour le compte de tous les transporteurs, depuis janvier 2024) témoignent d’un engagement croissant en faveur de l’accessibilité.
En résumé, les Jeux Olympiques et Paralympiques représentent une opportunité de catalyser les efforts en faveur de l’accessibilité des transports en France et de garantir un héritage durable pour les générations futures.
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Spécialiste de l’accompagnement des projets de transformation, notre cabinet de conseil propose un accompagnement stratégique et opérationnel à ses clients du secteur des mobilités en les aidant à repenser leur modèle, et à en évaluer les impacts.
Comme dans toutes les analyses stratégiques que mènent nos équipes, notre rôle consiste à garantir une analyse exhaustive de toutes les dimensions en jeu, afin de faciliter une prise de décision éclairée, adaptée à chaque contexte et territoire.