La France évolue dans un contexte international marqué par une actualité sino-américaine forte autour de l’IA (Stargate, Deepseek), et au sein d’une Europe qui doit encore s’emparer du rapport Draghi, afin de bâtir une IA souveraine et éviter de devenir un marché consommateur de technologies étrangères.
Face à ces enjeux, notre pays dispose de leviers de compétitivité majeurs : des entreprises technologiques innovantes, un vivier de compétences pointues en intelligence artificielle et en ingénierie, mais aussi une énergie largement décarbonée et disponible ! Ces atouts, et notamment ce dernier, doivent être mobilisés pour asseoir une position de leader dans le développement d’une IA souveraine et durable.
Une souveraineté numérique menacée
Car l’Europe a pris du retard sur l’ensemble de la chaîne de valeur de l’intelligence artificielle. De la conception des modèles aux infrastructures critiques comme les processeurs et les datacenters, qui demeurent entre les mains d’acteurs étrangers, principalement américains et chinois, renforçant ainsi sa vulnérabilité économique et géopolitique. Cette dépendance pose un risque majeur : celui d’une captation de nos données stratégiques et d’une sortie des chaînes de valeurs stratégiques pour nos entreprises, remplacées par des fournisseurs de services numériques qui sauront valoriser leurs données à leur place.
L’énergie décarbonée, atout stratégique pour construire une alternative européenne crédible
Or, la France dispose d’un avantage majeur : sa capacité à fournir en grande quantité une énergie décarbonée et accessible. Car la souveraineté numérique ne peut être dissociée d’un enjeu énergétique : alimenter les infrastructures de l’IA en énergie propre et compétitive. Pour fonctionner, les datacenters, qui sont le cœur battant de l’intelligence artificielle, requièrent une puissance énergétique massive et constante.
Alors que Les GAFAM investissent massivement dans des datacenters couplés à des réacteurs nucléaires modulaires (SMR), la France a les moyens de structurer une réponse européenne ambitieuse, avec son avance sur le nucléaire et son expertise en IA.
Avec 95 % d’électricité bas carbone en 2024, la France bénéficie d’un mix énergétique alliant nucléaire et renouvelables, garantissant une électricité stable et abordable. Son intensité carbone de 21,3 g CO2/kWh, l’une des plus faibles au monde, renforce son attractivité pour des datacenters écologiques et compétitifs. En 2024, la France a exporté 89 TWh nets d’électricité : un excédent qui pourrait être mieux utilisé pour soutenir un écosystème IA souverain, et attirer des acteurs européens, en misant sur des datacenters souverains alimentés par une énergie propre et compétitive.
L’émergence de DeepSeek en Chine prouve que la domination américaine sur l’IA n’est pas inébranlable. L’Europe peut encore jouer un rôle clé en coordonnant ses efforts et en investissant stratégiquement. Alors que l’avenir de l’IA se joue aussi sur le terrain de l’énergie, la France, en capitalisant sur son mix énergétique unique, peut renforcer sa souveraineté numérique et contribuer à l’émergence d’une alternative européenne crédible. Il est temps de saisir cette opportunité pour affirmer notre leadership technologique et énergétique !
Cette tribune a été co-rédigée par Thibault Guibert & Félix Humbaire, associés chez Eurogroup Consulting.
NOS EXPERTS
Félix HUMBAIRE
Associé
Thibault GUIBERT
Associé