Le sujet de l’attractivité est aujourd’hui une préoccupation centrale pour l’ensemble de la fonction publique et a fortiori pour sa fonction RH.
Les difficultés de recrutement qui menacent la disponibilité et l’accessibilité de services d’intérêt général, au cœur de la vie des citoyens en font des sujets majeurs pour les administrations publiques.
Si le sujet dépasse la seule sphère publique, il révèle des tendances et des attentes fortes à l’endroit de l’Etat et des collectivités en termes d’emploi, de conditions de travail et rémunération, de carrière, etc.
Les transformations qui s’imposent doivent désormais intégrer tous les projets relatifs à la modernisation de la fonction RH publique.
Plusieurs leviers peuvent être mobilisés pour adresser cet enjeu. Ils nécessitent d’être déployés dans le cadre d’une stratégie RH parfaitement définie afin d’en décliner ensuite les différents volets.
C’est pour s’atteler à ce défi majeur que le gouvernement a annoncé le lancement du chantier des carrières et rémunérations pour le 1er semestre 2023, et pour lequel les 1ers travaux exploratoires ont commencé.
Le temps des Grandes Transitions qui caractérise la période actuelle constitue un incroyable laboratoire et une opportunité pour revivifier l’attractivité du service public dont notre pays a besoin.
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Entre 1997 et 2018 la fonction publique a connu une baisse (historique ?) de 65% du nombre de candidats aux concours. L’attractivité du secteur serait-elle en berne ?
Alors que la fonction publique représente un emploi sur cinq en France, seul 1 jeune sur 10 se déclare aujourd’hui intéressé par un emploi dans ce secteur. Le nombre de candidats aux concours de la fonction publique de l’Etat qui a chuté de 650 000 en 1997 à 228 000 en 2018 semble marquer une forme de désaffection du secteur public en termes de carrière et d’emploi. En 2019, ce sont près de 40% des candidats admis à concourir qui ne se seraient pas présentés à l’écrit. Cette tendance affecte les trois versants de la fonction publique. Est-on face à une crise des vocations ou de l’attractivité de la fonction publique tel que certains nomment ce phénomène ?
Si ce mouvement de recul a été amorcé en amont de la crise sanitaire, celle-ci semble en avoir exacerbé les effets en phase de reprise économique. Cette « décrue » de l’attractivité a des impacts très concrets au quotidien pour l’ensemble des bénéficiaires des services publics. Ils sont illustrés par une difficulté à recruter dans de nombreux secteurs et métiers, menaçant ainsi la continuité et l’accessibilité des usagers à l’offre de services publics sur l’ensemble du territoire.
En réponse à cette situation d’urgence et de pénurie – qui affecte néanmoins de façon hétérogène les différents métiers des trois versants de la fonction publique – des initiatives politiques nationales et européennes sont lancées, notamment à l’endroit des collectivités. C’est dans ce contexte qu’a été par exemple lancé un projet sur l’attractivité de la fonction publique française dans les territoires, financé par l’Union européenne sur une durée de 2 ans.
La modernisation de la fonction RH ne peut par ailleurs plus se concevoir sans une réflexion et des dispositifs autour du chantier de l’attractivité.
Quelles réalités revêt cette perte d’attractivité d’un versant à l’autre, et d’un secteur d’activité à l’autre ?
Quels leviers peut-on envisager pour y répondre ?
UNE PERTE D’ATTRACTIVITÉ INÉGALE D’UN SECTEUR D’ACTIVITÉ À L’AUTRE
Une étude publiée en avril 2022 par Pôle emploi met en exergue des difficultés fortes de recrutement dans toute la fonction publique. Elle se manifeste plus particulièrement au sein des filières éducative, sociale, médico-sociale, culturelle et sportive, ou encore technique et administrative.
Top 4 des métiers les plus en tension
- Les formateurs
- Les aides-soignants
- Les animateurs sportifs
- Les professionnels de l’animation socio-culturelle
Selon les résultats du 12e Baromètre RH des collectivités locales réalisé par Randstad et publié en septembre 2021.
Des problématiques de recrutement qui questionnent
Les problématiques de recrutement qui s’étendent à l’école, aux hôpitaux, au sein des institutions policières et judiciaires questionnent la capacité de l’Etat à :
- faire bénéficier ses usagers d’un service public performant et homogène sur l’ensemble du territoire national
- mais aussi relever les enjeux d’avenir, tels que le numérique par exemple
Les métiers les plus déficitaires
Une étude menée par l’ANDCDC et publiée en septembre 2022 montre qu’en 2020, les métiers les plus déficitaires sont :
- administratifs : secrétaire de mairie, assistante de gestion administrative
- de l’enfance : animateur enfance-jeunesse
- techniques : agent d’entretien
D’une façon plus générale c’est bien dans le social, le médico-social, l’enseignement et les transports que les collectivités rencontrent les plus grandes difficultés à recruter. Les métiers de la santé (médecine du travail), de la petite enfance (animation, puériculture…) et la conduite des bus semblent être devenus des métiers repoussoirs en termes d’attractivité.
POURQUOI UNE TELLE DÉCRUE DE L’ATTRACTIVITÉ DE LA FONCTION PUBLIQUE, NOTAMMENT AU NIVEAU TERRITORIAL ?
Les enjeux relatifs à l’attractivité dépassent aujourd’hui les frontières entre secteur public et privé pour s’ériger en défi sociétal. En témoignent les nombreuses études sur « la grande démission » – et les manières de la traiter – qui inondent les médias. Elles tendent à établir des tendances transversales aux secteurs d’activité pouvant traduire des attentes des individus vis-à-vis de leur (futur) employeur, parmi lesquelles on retrouve la reconnaissance et le sentiment d’appartenance à une organisation.
Dans le secteur public en particulier, plusieurs facteurs de la perte d’attractivité émergent régulièrement.
Le dynamisme du marché de l’emploi
Si la voie de concours reste le principal vecteur de recrutement dans la fonction publique, on observe une corrélation nette entre le taux de chômage et l’attractivité des concours de la fonction publique. Ainsi, plus le taux de chômage est élevé, plus on observe un taux de participation aux concours important. À l’inverse, dans un contexte de reprise économique comme nous le vivons depuis la « fin » de la crise sanitaire, l’attrait pour ce mode de recrutement diminue, en même temps que la confiance dans un marché de l’emploi dynamique s’établit.
Le niveau de rémunération
Cette question est également à mettre en perspective de la dynamique de rémunération de certains profils et métiers sur le marché du travail. Ainsi, les administrations évoquent des difficultés à recruter dans les SI. Or ces métiers sont largement disputés entre secteurs privé et public, avec des variations de salaires importantes dans un environnement très concurrentiel. Cela est d’autant plus vrai dans la Fonction publique territoriale (FPT) où les rémunérations ont évolué faiblement ces dernières années.
Les conditions de travail
Si la plupart des études tendent à indiquer que la rémunération est un facteur de motivation et de rétention de talents, les conditions de travail dans leur acception large (vie collective, prestations sociales, culture managériale et organisationnelle, sécurité des conditions de réalisation des activités, sentiment de valorisation de son activité, etc.), sont des attentes fortes que les salariés adressent à leur employeur. Or, si les individus qui intègrent la fonction publique ont une perception positive de leur travail, avec un fort sentiment d’utilité, les conditions de travail et les perspectives de carrière pâtissent d’une image particulièrement négative que véhiculent ses propres agents et les usagers . Des arguments récurrents s’installent :
- Une bureaucratie qui favorise les inerties et complexifie la conduite de projets sur des échéances soutenues.
- Un management désuet, avec un mode de fonctionnement très vertical peu favorable à la concertation.
- Des carrières longues et peu dynamiques, avec une faible valorisation des compétences, au profit d’une logique statutaire.
- Des conditions de travail parfois dégradées où l’exposition des métiers se conjugue à un manque d’investissement dans les équipements, le matériel ou les locaux. Ces mauvaises conditions de travail se traduisent aussi d’un point de vue physique et psychologique.
- Une accessibilité et qualité du service public qui peuvent apparaître dégradées aux usagers selon les dimensions (immobilières par exemple) observées.
Des facteurs propres à chaque versant de la fonction publique
Au-delà de ces éléments, la réalité des difficultés de recrutement dans la fonction publique n’est pas tout à fait la même selon que l’on considère le versant territorial, hospitalier ou régalien, ainsi que la zone géographique. S’agissant de la Fonction publique d’État (FPE) ou la Fonction publique hospitalière (FPH), la perspective d’enseigner, soigner ou être dépositaire de l’ordre public dans des quartiers défavorisés en sortie d’école peut décourager certains individus. Ces difficultés ne sont pas identiques selon les secteurs et métiers observés.
Du côté de la FPT, les inégalités géographiques sont plus fortes, notamment en raison de leur large couverture géographique qui peut induire un risque d’isolement dans les territoires les plus ruraux, avec des difficultés pour le conjoint de trouver un emploi. À l’inverse, il peut s’avérer difficile de faire face au coût de la vie dans certaines grandes agglomérations. À cela s’ajoute une faible connaissance des missions et métiers qu’offre la Fonction publique territoriale.
COMMENT AMÉLIORER L’ATTRACTIVITÉ DES MÉTIERS DE LA FONCTION PUBLIQUE ?
Nous pouvons envisager plusieurs leviers complémentaires pour répondre à cet enjeu d’attractivité de la fonction publique :
Les leviers qualifiés de réglementaires et administratifs :
- Un travail de revalorisation des grilles salariales : pour développer les capacités des administrations et collectivités à adresser un marché du travail concurrentiel ciblé sur les compétences rares ou les métiers en tension.
- Une réflexion conduite sur les voies et modalités de recrutement des futurs agents. Des propositions sont ainsi formalisées au service d’un allégement/ simplification du contenu des concours, d’une meilleure information (lisibilité/ visibilité) de ces derniers ainsi que le développement de concours nationaux à affectation locale permettant notamment de capter des individus n’envisageant pas une mobilité géographique à la suite de leur concours.
- La poursuite de la diversification des voies de recrutement peut, plus globalement, constituer un levier fort (ex : concours interne/externe/3e voie, PACTE, CDI/CDD, PrAB…*), à condition de bien équiper les acteurs RH (en termes de réglementaire et professionnalisation) et de limiter les écarts (notamment de rémunération entre titulaires et contractuels) susceptibles de générer des sentiments d’injustice forts entre les agents.
*PACTE : Parcours d’accès aux carrières de la fonction publique territoriale
PraB : concours expérimental Parcours d’accès aux carrières de la fonction publique territoriale
L’expérience agent à travers différentes dimensions
- La construction d’une offre de service renouvelée et adaptée aux enjeux spécifiques des différents versants et des agents amenés à les intégrer. Notamment, la conduite d’une réflexion sur les prestations sociales délivrées à l’endroit des agents de la FPT amenés à intégrer des zones où l’accès à l’emploi du conjoint est rendu difficile, ou à l’inverse des agents amenés à travailler au sein de collectivités dans lesquelles le coût du logement peut constituer un frein.
- La mise en place de dispositifs favorisant les dynamiques de carrière et la mobilité des agents, tenant compte des « moments » de carrière et de vie des agents, limitant ainsi l’appréhension d’un déroulé de carrière sclérosé. L’enjeu est ici de travailler sur un accompagnement plus individualisé des parcours professionnels permettant de projeter l’agent dans sa carrière et de concevoir des dispositifs de valorisation des compétences et expériences.
- La qualité de vie au travail (QVT), ainsi que les modes et organisations de travail, constituent des leviers majeurs pour renforcer et améliorer l’expérience agent. Comme nous l’avons évoqué plus haut, les attentes en termes de flexibilité, articulation vie professionnelle/vie personnelle, culture managériale, sens et collectif au travail, etc. sont des dimensions essentielles de l’engagement des agents. Ainsi, au-delà de leur attraction, il s’agit de penser des dispositifs profonds favorisant la rétention des compétences au sein des administrations.
- L’articulation de l’ensemble de ces dimensions au sein d’une stratégie de marque employeur visant à articuler les dispositifs internes (présentés ci-dessus) et externes (adressés ci-après).
Les leviers propres à la marque employeur (externe)
- Valoriser le savoir-faire et le faire savoir : améliorer la lisibilité et la visibilité des expertises, compétences, métiers couverts au sein des différents versants de la fonction publique en donnant à voir le périmètre des champs et des missions couverts. Au-delà, il s’agit également de faciliter et fluidifier la diffusion de l’information auprès du public à travers la mobilisation de médias et de terminologies accessibles au plus grand nombre. Par exemple, des travaux sont conduits pour faciliter l’appréhension et la lecture des fiches de poste transmises via les sites d’emploi ainsi que les stratégies de publication de ces offres en visant les sites les plus consultés par les profils recherchés.
- Poursuivre les actions en faveur de l’amélioration de la qualité de service rendu, en plaçant l’expérience usagers et (futurs) agents au cœur de son dispositif. En effet, le double effet perception usagers/agents est particulièrement délétère sur l’attractivité d’une administration. L’enjeu est donc à la fois d’améliorer la perception de la qualité du service et des conditions dans lesquelles il est rendu pour le bénéficiaire mais aussi pour celui qui l’exécute. À ce jour, seul 1 agent territorial sur 3 recommanderait à un proche de travailler dans sa collectivité…
- S’appuyer sur un socle commun de valeurs constituant le « service public » pour définir la ligne de la marque employeur de la fonction publique, et en facilitant sa déclinaison aux spécificités territoriales/locales/sectorielles. La fonction publique emporte des notions fortes et fédératrices de sens et d’utilité qui constituent des atouts majeurs à mettre au service d’une marque employeur partagée.
FOCUS SUR
L’ATTRACTIVITÉ DE LA FONCTION RH
Le sujet de l’attractivité est aujourd’hui une préoccupation centrale pour l’ensemble de la fonction publique et a fortiori pour sa fonction RH. Les difficultés de recrutement qui menacent la disponibilité et l’accessibilité de services d’intérêt général, au cœur de la vie des citoyens en font des sujets majeurs pour les administrations publiques.
Si le sujet dépasse la seule sphère publique, il révèle des tendances et des attentes fortes à l’endroit de l’Etat et des collectivités en termes d’emploi, de conditions de travail et rémunération, de carrière, etc. Les transformations qui s’imposent doivent désormais intégrer tous les projets relatifs à la modernisation de la fonction RH publique.
Il est possible de mobiliser plusieurs leviers pour adresser cet enjeu. Ils nécessitent d’être déployés dans le cadre d’une stratégie RH parfaitement définie afin d’en décliner ensuite les différents volets.
C’est pour s’atteler à ce défi majeur que le gouvernement a annoncé le lancement du chantier des carrières et rémunérations pour le 1er semestre 2023, et pour lequel les 1ers travaux exploratoires ont commencé. Le temps des Grandes Transitions qui caractérise la période actuelle constitue un incroyable laboratoire et une opportunité pour revivifier l’attractivité du service public dont notre pays a besoin.
EN SAVOIR PLUS
Bénédicte Féry
Directrice - Experte RH
Stéphane Geffrier
Associé - Responsable de la filière Gouvernement, territoires et institutions
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Nous pouvons adresser ce besoin via le marché Conseil en organisation et en ressources humaines de l’UGAP.