Les modèles émergents d’engagement des collaborateurs qui se développent dans les entreprises peuvent-ils s’appliquer à leurs sous-traitants, leurs prestataires et intervenants freelances ? Dans quelle mesure et selon quelles modalités ? Eurogroup Consulting et l’OSI publient une étude pour définir la manière de concevoir et déployer des politiques d’engagement au sein de l’entreprise étendue.
En 2017, l’étude sur les nouvelles formes de salariat, menée par l’OSI et Eurogroup Consulting, mettait en exergue que le développement de formes d’activités alternatives reposait sur les liens et la coopération des acteurs internes de l’entreprise avec ceux de son écosystème.
En constituant des collectifs mixtes de collaborateurs internes, prestataires, startuppers et travailleurs indépendants, le développement de l’entreprise étendue conduit à s’interroger sur le ciment qui lie les différents acteurs et à repenser les logiques et mécanismes de l’engagement.
Il s’agit de faire vivre un collectif étendu, au périmètre flou, fluctuant et transitoire, tout en maîtrisant l’efficacité économique de l’ensemble. Cela suppose des mécanismes nouveaux d’agilité dans le management autour d’une ambition commune.
Le patchwork organisationnel des marges de l’entreprise étendue
Dans la période récente, sous l’effet de la digitalisation de l’entreprise mais aussi de changements plus profonds liés aux exigences des clients et aux enjeux sociétaux, de nouveaux modes d’organisation se diffusent dans l’entreprise. Les fonctions centrales de l’entreprise sont appelées à être en soutien des responsables opérationnels et à favoriser l’autonomie et l’innovation des acteurs locaux. L’autorité se déplace vers les lieux d’exécution opérationnelle, ce qui provoque une crise structurelle de la valeur et de la légitimité du management intermédiaire. La ligne managériale perd de sa force de transmission en même temps que l’accès à l’information se fait par des plateformes de partage, des formations à distance et des communautés virtuelles.
La digitalisation des entreprises fait apparaître de nouveaux modes d’organisations et de nouvelles manières de travailler caractéristiques de l’économie de plateforme en émergence. Désormais, l’entreprise s’étend de façon informelle, à travers un ensemble d’acteurs aux structures et aux organisations de travail très variées. L’entreprise étendue s’apparente à un patchwork organisationnel et productif.
Cette mutation organisationnelle et managériale pourrait à l’avenir se révéler un phénomène massif et constituer un modèle dominant d’organisation de l’entreprise, d’où l’importance de penser les conséquences managériales de ce périmètre élargi, de nouvelles coopérations, de la place des employés et la question de leur engagement. Cela revient à s’interroger sur la responsabilité managériale de la mobilisation de sous-traitants, des co-traitants, des indépendants, de leur adhésion à la vision et la mission de l’entreprise « cliente », du pacte social et sociétal qui les lie par-delà les contrats (réalisés par les directions d’achats) et donc de la place des managers et des directions des ressources humaines dans ce nouveau dispositif managérial.
Comment assurer l’engagement des collaborateurs au périmètre de l’entreprise étendue ?
Les entretiens conduits auprès de plusieurs directions de Ressources humaines de grandes entreprises et l’analyse des réponses de travailleurs indépendants, prestataires et fournisseurs à un questionnaire en ligne ont mis en exergue certaines différences d’approche entre les deux types d’acteurs mais aussi des convergences :
- Les grandes entreprises qui font appel à des acteurs externes, les intervenants sont rarement intégrés dans les politiques destinées à renforcer l’engagement professionnel des collaborateurs. En partie, parce que les règles contractuelles interdisent à l’entreprise de manager en direct les collaborateurs de ses prestataires, en partie parce qu’ils ne sont pas inclus dans le périmètre de responsabilités des DRH hormis dans les volets RSE des politiques des entreprises lorsqu’ils existent.
Une des difficultés principales est de gérer une relation de partenariat étroite (vision commune) dans une relation de sous-traitance définie uniquement par un contrat. Il existe dans une entreprise étendue, une logique paradoxale entre « relation partenariale » générant de l’engagement et « politique industrielle » ou « contrat strictement client-fournisseur », avec une forme de schizophrénie qui peut s’accentuer dans la durée, qui peut varier de quelques semaines à plusieurs années, par exemple dans le cas des projets industriels ou informatiques.
Cette vision conduit à mettre en évidence la question centrale de l’efficacité et la nécessité de manager les partenaires extérieurs autour de cette priorité que représente l’efficacité, et toutes les entreprises rencontrées soulignent l’importance du management des acteurs externes pour le développement de l’engagement des acteurs et la performance de l’écosystème étendu. - S’agissant des fournisseurs, sous-traitants, travailleurs indépendants, les réponses apportées au questionnaire sur leurs relations avec leurs entreprises clientes et sur les déterminants de leur engagement soulignent plusieurs points.
Une partie importante des critères susceptibles de stimuler leur engagement concerne leurs motivations individuelles :- l’autonomie et la flexibilité que permettent les missions qui leur sont confiées,
- leur intérêt pour ces missions,
- le caractère innovant des missions et projets,
- la qualité de l’information avec l’entreprise cliente,
- la rétribution et le sens de la mission,
- la possibilité de développer des compétences et la culture de l’entreprise cliente.
Développer une culture locale du management des ressources externes
La qualité du management des ressources externes est un aspect essentiel au sein des organisations de travail de l’entreprise étendue. Ce management ne doit pas être centralisé autour de questions statutaires.
Au travers de cette étude, les intervenants d’Eurogroup Consulting et de l’OSI ont acquis la conviction que l’une des clés d’amélioration de l’engagement des prestataires externes réside dans la mise en œuvre d’une politique cadre des relations RH et sociales avec ses ressources externes, qui ne se limite pas aux relations contractuelles client-fournisseur. Les DRH ont un rôle essentiel à jouer pour développer une « culture de management étendue » à l’échelle de l’entreprise étendue qui permette d’attirer et de retenir les meilleurs prestataires et travailleurs indépendants, au service de l’efficacité et de la satisfaction de leurs clients, en favorisant un engagement dans la durée (limitation des phénomènes de turn over rapides).