La déclaration du président de la République française en août 2017 sur la relation que les Français entretiennent avec la notion de réforme et l’importance de la transformation ouvre le débat du « comment changer ».
« Rien ne se créé, rien se perd, tout se transforme »
Le célèbre chimiste Lavoisier affirmait au XVIIIe siècle: « rien ne se crée, rien se perd, tout se transforme » pour expliquer le changement d’état d’un système dans sa globalité. Par exemple, l’eau se transforme en vapeur. La transformation est un processus au cours duquel un système passe d’un état à un autre pour prendre une nouvelle configuration. Le passage se fait lors d’un point de bascule qui fait émerger un nouveau système en remplacement du dernier. De manière opérante, cela prend la forme de programmes de transformation constitués d’une liste de changements opérationnels.
La réforme est morte, vive la transformation
La transformation est à moyen terme (5 ans). Le changement est un projet avec un objectif à court terme (6 à 24 mois). La réforme est un ensemble de critiques analytiques et/ou idéologiques à l’égard du système existant en vue de son remplacement dans une logique de concurrence. La réforme prétend faire changer un système en montrant les limites de l’existant de telle manière que cela suscite une forme de renouvellement avec un risque velléitaire. La réforme est sur un temps infini avec l’espoir, pour ceux qui l’initient, qu’émerge une dynamique collective. Dans les formes de changement, il y a aussi les évolutions adaptatives qui se font au quotidien de manière incrémentale en réponse à une contrainte sans faire évoluer le système, ou sur le très long terme, comme l’avait démontré Darwin avec sa théorie de l’évolution.
Réforme, transformation, changement, adaptation sont autant de vocables pour décrire le mouvement de recomposition d’un système. Ce système peut être une entreprise, une administration ou encore un pays, avec des systèmes de gouvernance différents en termes de périmètres et de moyens d’action. La complexité du monde d’aujourd’hui, avec de nombreuses parties prenantes porteuses de forces inhibitrices, la rapidité des innovations et la concurrence font évoluer les prismes de la recomposition des systèmes. Les réformes, très utilisées par les politiques, sont longues et théoriques. La transformation et les projets de changement constituent les nouveaux modes d’action pour que les intentions deviennent des expérimentations, des actions et des résultats dans des temps restreints.
Le phénomène de changements exponentiels
Depuis une cinquantaine d’années, le changement est traité comme un événement extraordinaire de la vie d’une organisation qu’il convient de traiter pour revenir à un état de stabilité. La révolution digitale est à l’origine du phénomène de changements exponentiels. Les changements sont permanents, multiples, violents et rapides. Ce n’est plus l’état de changement qui sera une situation à part, mais au contraire l’état de stabilité. Comme le proposent les théoriciens de la complexité, lorsque le système devient complexe, il ne faut pas chercher à simplifier mais au contraire à développer une dynamique permettant de dialoguer avec cette complexité.
L’enjeu de la transformation pour les entreprises
La capacité pour une entreprise de se transformer rapidement et durablement est devenue en une trentaine d’années un avantage concurrentiel. Il ne s’agit plus d’une compétence individuelle relevant du développement personnel mais d’une démarche visant à s’assurer de la transformation tant individuelle que collective. La transformation, en tant que démarche de gestion globale des changements tant d’un point de vue méthodologique qu’en termes de réalisation et d’alignement avec la stratégie de l’entreprise, est devenue un sujet gestionnaire pour toutes les entreprises.
La gestion de la transformation peut prendre la forme de direction ou encore d’équipes éphémères en charge de l’accompagnement des projets, du développement humain, du pilotage de la transformation de l’ouverture et de la prospective. Les entités en charge de la transformation ne doivent pas « uniquement regarder dans le rétroviseur », elles doivent préparer les organisations à penser l’avenir et à s’interroger en matière de prospectives.
Edgard Faure affirmait « La France est toujours en avance d’une révolution parce qu’elle est toujours en retard d’une réforme ». Aujourd’hui avec la volonté de transformation qui se développe, ne pourrions-nous pas affirmer : « La France est toujours en retard d’une réforme et en avance d’une révolution » ?.
Par David Autissier
Directeur des chaires ESSEC Innovation Managériale Excellence Opérationnelle et Changement. Maître de conférences HDR à l’IAE Eiffel, il est l’auteur de nombreux ouvrages en changement et management dont Du Changement à la Transformation, Dunod, 2018.